#43 : Pauline Rivière – le journalisme à l’ère des réseaux sociaux
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L'épisode au format vidéo
L'épisode au format texte
Ça fait plaisir de t'avoir là en face. Premier enregistrement de 2024 pour moi.
Et bien moi je suis très contente d'être là aussi.
Bon, et on a décidé ensemble de parler, on aurait pu parler peut-être de plein de sujets différents,
de parler... c'est quoi le titre qu'on a dit exactement ? C'est "Le journalisme à l'ère
des réseaux sociaux". Est-ce que c'est ça ?
Oui, on s'est dit que ça pouvait être... Pour moi c'est un sujet qui est vraiment très important,
qui me questionne au quotidien, pas que moi je pense, et je trouve ça chouette finalement de
pouvoir en parler avec toi. J'en parle dans ma tête toute seule le soir, mais c'est bien d'en
parler avec quelqu'un aussi. Voilà, donc là effectivement tu vas en
parler avec moi, écouté par des milliers de personnes certainement au moins ! Non mais voilà,
ce que je veux dire c'est que tu vas en parler avec moi et on va avoir le temps d'en parler.
Donc d'une part tu auras le temps de dire ce que tu as en tête, d'autre part je vais probablement
te poser des questions, peut-être certaines auxquelles tu n'as pas encore pensé ou je vais
te demander de préciser peut-être des choses, et on ne sait jamais, dans le meilleur des cas ça
te permettra peut-être d'affiner ta pensée même par rapport à ce sujet-là, et peut-être de
trouver des solutions définitives, universelles... Pour le sujet, oui, pour les problèmes. Mais je
trouve ça très chouette en fait d'avoir un format long parce que justement on en parlera sûrement.
Quand on parle réseaux sociaux en fait, tout doit être court, synthétique, toujours de plus en plus
court, et donc il faut apprendre le temps de parler des choses, de dérouler une pensée. C'est rare
en fait. Donc merci de proposer cette rencontre. Bon, impeccable. Tu nous parles un petit peu de
toi Pauline, tu nous expliques pourquoi est-ce que le sujet du journalisme en général et ses
difficultés peut-être qu'il rencontre actuellement. Donc on est début 2024, ça date pas exactement
d'hier mais j'ai l'impression que ça s'aggrave. J'entends ce que je te disais au téléphone hier,
j'ai entendu parler de journaux américains notamment, moi je suis beaucoup les américains,
emblématiques, qui sont dans des difficultés terminales quoi, vraiment dramatiques. Donc je
pense que ça vient pas d'hier parce que ces entreprises-là devaient avoir de l'argent,
de l'argent de côté notamment. S'ils commencent à tout arrêter, c'est qu'ils sont au bout du
rouleau et qu'ils n'ont pas trouvé de solution en plusieurs années, peut-être plusieurs décennies.
Parce qu'on parle de l'ère des réseaux sociaux mais il y a l'ère d'Internet avant, j'ai envie
de dire. Et je pense que ça a déjà chamboulé les modèles du journalisme. Donc pour commencer,
peut-être que tu peux nous donner un petit peu de contexte par rapport à toi, nous expliquer qui tu
es, pourquoi est-ce que ce sujet-là te parle autant et puis on enchaînera à partir de là.
Très bien. Alors, qui je suis ? J'ai toujours un peu de mal à me définir, ça dépend des périodes.
Donc en ce moment, je suis journaliste. Alors je peux dire que je suis journaliste, j'ai toujours
un peu le syndrome de l'imposteur, mais j'ai une carte de presse, ce qui fait qu'officiellement,
je suis journaliste pour le connecteur. Je n'ai pas un parcours du tout de journaliste,
j'ai eu d'autres vies avant qui n'ont absolument rien à voir, quoique je suis toujours bien aimée
raconter des histoires et donner la parole, donc retranscrire aussi ce que les gens font. Donc
peut-être qu'il y avait déjà une petite fibre. Et donc moi je suis arrivée un peu là par hasard,
on va dire, dans cet univers-là. Et en fait, j'ai découvert justement ce monde et comment
il fonctionnait. Parce que quand on est lecteur, auditeur ou téléspectateur de médias, on ne se
pose pas forcément la question de savoir qu'est-ce qui fait vivre les médias, comment est-ce que ces
gens sont payés. Et quand on se retrouve avec le connecteur, puisque c'est un média associatif,
qui parle d'innovation, d'entrepreneuriat en Auvergne, qui a la particularité d'être à peine
subventionné, je crois qu'il y a 5 ou 10 % de notre chiffre d'affaires qui vient de la subvention,
et le reste, il faut le financer. On est 4 salariés. Et donc tout de suite, on se pose
d'autres questions et on réalise qu'il n'y a pas 36 manières de gagner de l'argent et de faire
vivre un média. C'est peut-être ça qui est important pour commencer. C'est la première
chose qu'on nous a appris. On a été incubé dans un incubateur média qui s'appelle Creatis en 2019,
et qui nous expliquait qu'il y avait trois grandes manières de financer un média. Soit l'abonnement,
qui est de plus en plus difficile, puisqu'il y a tellement d'infos gratuitement sur internet,
donc c'est difficile de faire payer pour un abonnement. La publicité, mais pareil,
avec des budgets de plus en plus contraints, c'est aussi très compliqué. Et puis un troisième,
qui est finalement un peu de la prestation. Et donc il y a beaucoup de médias qui ont une
activité de média et qui, à côté de ça, vont utiliser leur expertise, leur savoir-faire pour
proposer leur service à des entreprises, des collectivités, et qui séparent. Et ce qui fait
qu'on va avoir de la publicité, ce qui fait qu'on va avoir de la notoriété aujourd'hui,
ça passe par internet. Beaucoup. Et donc il y a tout ce sujet autour de comment exister sur
internet, comment exister par rapport à d'autres médias. Et donc il y a ce sujet du clic,
de l'engagement. On appelle ça, en français, putaclic ou clickbait. Comment donner envie
à des gens d'aller regarder des contenus. Et en fait, quand on vient pas de ce monde-là,
quand on regarde ça de l'extérieur, quand on le vit au quotidien, parce qu'en fait on fait un
travail et on se dit parfois "mais le sujet est intéressant, mais ça veut dire qu'en fait,
il faudrait que je tourne mon sujet pour qu'il soit un peu trash, pour que les gens aillent
regarder. Mais est-ce que j'ai vraiment envie de faire ça ?". Et puis on voit à quel point c'est
difficile de se rémunérer. On voit la précarité qui se développe de plus en plus dans le monde
des médias. Il y a de plus en plus de journalistes freelance, même plus pigistes. Pigiste,
il y a un cadre de freelance et auto-entrepreneurs. Et on voit la mainmise d'hommes d'affaires sur les
médias. Ça interroge l'indépendance. Il y a tellement de sujets, on aura le temps d'en reparler,
mais qui critiquent beaucoup les médias. Avant, journaliste, c'était sympa. T'es journaliste,
maintenant on fait "ah, journaliste". Il y a un côté, il y a de la méfiance,
de plus en plus de méfiance. Peut-être moins sur la presse quotidienne régionale ou les médias
locaux. Nous, on est indépendants. Mais c'est compliqué. Et le fait de s'interroger tous les
jours en se disant "ce que je fais là, le temps que je passe à faire tout ce que je fais, je le
fais pour qui ? Je le fais pour quoi ? Quel est l'avenir de ce que je fais sur un temps plus ou
moins long ?" C'est ce qui m'a donné envie d'expliquer. Peut-être que les gens ne savent
pas ce que c'est qu'être journaliste au quotidien pour un média qui est 100% en ligne et ce qui se
passe dans ce monde-là. Je le découvre au fur et à mesure. J'apprends des trucs, je découvre des
choses qui me questionnent et qui m'interpellent. Depuis cinq ans, du coup ?
Depuis 2019. Quand on a repris le Connecteur, c'était juste une association, ce n'était pas
un média. Alors attends, explique-moi ça. C'était juste une association, ce n'était pas un média.
Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est ça qui est un petit peu incroyable. C'était une association
qui s'appelait le Connecteur, qui avait comme objet de connecter l'écosystème de l'entreprenariat,
qui organisait des événements. Celui qui a monté ça, qui s'appelle Damien Caillard,
il aimait bien, pour que les gens se rencontrent, faire des portraits, des entretiens d'acteurs
de cet écosystème naissant, puisque le Connecteur date de 2015, 2016, mon petit doute, l'association.
Et donc nous, quand on a repris, il fallait... il faudrait l'expliquer. On a postulé à deux pour
codiriger le média associatif avec, donc maintenant, je veux dire mon associé, mais sur
une association, on ne dit pas vraiment ça. Mais bon... Et l'objectif, en fait, c'était de trouver
un modèle économique. Il n'y avait pas de modèle économique au Connecteur, c'était financé par
Damien, c'était voilà qui avait voulu lancer ce projet. Et notre net challenge, c'était de trouver
un modèle économique en un an. Et donc, il fallait redéfinir justement l'objet, ce que c'était que
ce truc qui était le Connecteur. On a trouvé qu'il y avait des bases pour un média, c'est-à-dire
qu'il y avait des contenus, il y avait un site Internet, il y avait des réseaux sociaux. Et en
fait, c'est ça un peu l'histoire, c'est que c'est comme ça que ça se passe, c'est-à-dire que tu
peux être blogueur et puis, à un moment donné, vous faites la demande d'une reconnaissance de
services de presse en ligne auprès du ministère de la Culture. D'accord, donc quand tu dis que
c'était pas un média, c'est parce que c'était pas reconnu. C'était pas reconnu, c'est la définition.
D'accord, ok.
Voilà, la définition, statutairement, on n'était pas un média. Et donc, on passe,
en fait, on remplit un dossier. C'est pas moi qui remplis le dossier, c'est plutôt Véronique. Et
quand on remplit ce dossier, après, quelqu'un au ministère de la Culture regarde et dit "ok,
on vous reconnaît comme un service de presse en ligne puisque vous proposez de l'information
locale sur un sujet bien particulier". Et voilà.
D'accord. Ça change quoi, quand on te met ce tampon-là ? Ça change quoi ?
Ça change concrètement déjà qu'on peut peut-être éventuellement avoir des aides,
ce qui n'est pas toujours le cas. Et ça change, c'est-à-dire qu'on peut demander une carte de
presse. Ah, voilà, parce que je voulais en venir là aussi. Parce que je pense qu'il y a deux sortes
d'axes. Il y a l'axe un petit peu humain, donc le journaliste, la personne. Et puis, il y a l'axe
média, donc tu vois ce que je veux dire, les organismes, le côté non humain, quoi, qui chapotent
des fois l'ensemble. Et donc, je pense qu'il faut qu'on parle des deux. Donc, on peut peut-être en
revenir maintenant à l'humain, cette histoire de carte de presse. Qu'est-ce que c'est ? À quoi ça
sert ? Comment ça marche ? Comment on l'obtient ? La carte de presse, c'est vraiment... D'ailleurs,
je t'en parlais juste avant en disant "c'est marrant", parce que moi, c'est le sujet,
l'exemple typique qui me dit qu'il y a un problème aujourd'hui. Il y a une tribune qui
vient de sortir aujourd'hui pour remettre en cause la manière dont on donne la carte de presse.
Ce qui fait qu'on peut avoir une carte de presse aujourd'hui, c'est qu'il faut être reconnu comme
un média par le ministère de la Culture. Déjà, c'est le premier point.
Attends, je te coupe, mais "reconnu comme un média", c'est pas toi qui es reconnu comme un média ?
C'est le média. Et je suis salariée de ce média.
Donc, tous les salariés du média peuvent avoir la carte de presse ?
Il ne faut pas être directeur de publication et surtout, on aime bien que ça soit du contenu
écrit encore aujourd'hui. Là, par exemple, si on fait de l'audio, du podcast ou de la vidéo,
c'est pas vraiment... Si on est 100% vidéo, peut-être que ça a changé, mais à l'époque,
ça n'avait pas valeur. Il fallait faire des captures d'écran de ce qu'on faisait.
Donc, en fait, c'était plutôt écrit. Si tu écris des trucs en tant que salarié d'un média,
tu peux demander ta carte de presse. Mais il faut que ta carte de... Enfin, que tes revenus,
que 50% au moins ou 70%, je crois que c'est 50%, proviennent de ton métier de journaliste.
Si tu as une activité à côté ailleurs et parce que tu as un gros coup de peau, hyper bien payé,
même si ton travail que tu fais de journaliste reste le même, le fait d'avoir cette grosse
rentrée d'argent parce que tu as fait un truc à côté en auto-entrepreneur peut te faire perdre ta
carte de presse parce que ça représente trop par rapport à ce que tu gagnes dans l'année.
Et je connais plein de journalistes, parce qu'on n'est pas bien payé en tant que journaliste et
donc on est sur des petits niveaux de salaire. Donc, parfois, en faisant un peu de com à côté,
ben en fait, on arrive vite à cette problématique de "mince, je gagne plus avec la com qu'en tant
que journaliste" et qu'ils vont devoir refuser des contrats de communication pour ne pas perdre
leur carte de presse. Et donc, en fait, c'est ça. Donc, en fait, déjà, on est dans cette précarité
là. Donc, la carte de presse, c'est ça. C'est... On va vérifier. Après, ils vont avoir les dossiers
sur le site Internet pour voir ce que l'on fait, regarder un petit peu. La première année,
peut-être plus difficile à avoir. Puis après, on la redemande tous les ans. Et c'est ce qui fait
que ben on a une carte de presse. Mais un journaliste peut être journaliste sans carte
de presse. D'accord. Alors, ma question qui vient derrière, c'est à quoi ça sert la carte de
presse ? Qu'est-ce que ça apporte ? Ce que ça apporte, c'est par exemple des demandes d'accréditation.
Parfois, on nous demande le numéro de carte de presse. On ne peut pas parce qu'autrement,
n'importe qui, on va dire, pourrait dire "est-ce que je peux venir voir ceci, cela parce que je
suis journaliste ? Et ouais, ben prouve-le-moi". Ben voilà, des cartes de presse pour... Quand on
est sur du national, ça permet d'avoir accès au ministère. Enfin, voilà, c'est une reconnaissance
et une légitimité. Sauf qu'il y a beaucoup de journalistes qui font un travail de journaliste,
mais qui sont en freelance et qui ne peuvent pas avoir la carte de presse.
Ok. Ça voudrait dire que quelqu'un dans cette situation, ça voudrait dire qu'il faut qu'il
monte un média, une structure, qu'il fasse tamponner par le ministère de la culture pour
après pouvoir demander sa carte de presse ? Oui, mais même s'il crée son média et par exemple,
voilà, t'es passionné, tu crées ton média. Parce que nous, on fait partie du SPIL,
qui est le syndicat pour la presse indépendante en ligne. Il y a plein de gens qui, par passion,
créent un média, mais ça ne génère que dalle en fait en revenu. Et donc, pour financer leur passion,
ils vont chercher un boulot alimentaire. C'est-à-dire qu'en fait, ils ne pourront pas avoir
une carte de presse puisque leur revenu, ce n'est pas les 50 %.
C'est très clair. Je rebondis sur un autre truc que tu as dit tout à l'heure. Tu as dit "il faut
que ce soit écrit". Il faut que ta production soit écrite. Les journalistes radio...
Alors... Non, les journalistes radio, si on est rattaché à une radio, c'est bon. Mais je ne pense
pas qu'un podcast... Enfin, je me trompe peut-être, mais j'ai eu l'impression la première fois que je
l'ai fait, puisque ça date de 2019, que dans la manière dont c'était écrit, demandé,
en fait, voilà, l'écrit est encore aujourd'hui... Les vrais journalistes font de l'écrit.
Ce qui me semble complètement...
Eh bien tiens, justement, pourquoi est-ce que ça le semble ? Parce que qu'est-ce que c'est ? En gros,
je vais te poser la question, c'est quoi un journaliste ?
C'est quoi ? Oui, c'est très dur. Tous les jours, je me pose cette question en disant
"qu'est-ce que c'est qu'un journaliste ?" Je pense qu'il y a différents types de journalistes.
Il y a ceux que j'admire énormément avec le journalisme d'investigation, qui font des vraies
enquêtes, qui déterrent des sujets, qui vont tirer des fils. Il y a une très bonne émission sur
Radio France, c'est "Mécaniques du journalisme", qui explique comment on mène une enquête,
comment on tire un fil et on découvre, ça vaut la boîte de Pandore, ce que Mediapart peut faire,
par exemple. Donc ça, c'est du journalisme d'investigation. Et comme disait Albert Londe,
on trempe la plume dans la plaie. Donc, on appuie là où ça fait mal. Et puis, il y a après le
journaliste de la prêche quotidienne régionale, qui peut-être avant, je ne sais pas, faisait de
l'enquête aussi. Mais maintenant, plutôt, va rapporter ce qui se passe sur un territoire,
qui doit produire de plus en plus dans un temps de plus en plus court, donc qui creuse de moins,
enfin qui a de moins en moins de temps pour creuser les sujets. Et puis, il y a le journalisme
aussi de solution, où on décide de pas du tout tremper la plume dans la plaie, mais plutôt d'avoir
un regard optimiste et de montrer ce qui fonctionne, ce qui marche, les gens qui font. Donc nous,
le connecteur, on est beaucoup plus sur ce type de journalisme, mais en sachant que ce n'est pas
celui qui génère le plus de clics. En fait, les gens ne veulent pas du positif en réalité,
même s'ils râlent en disant "on parle que des trucs qui vont mal", mais en fait,
on est plutôt à la recherche du ce qui va mal que de ce qui va bien. Et donc, en fait,
c'est très difficile. Il y a des règles. Moi, je suis sûre, j'ai jamais fait d'école de
journalisme, je suis sûre qu'il y a des journalistes qui ont fait des écoles de
journalisme qui vont se dire "non mais attends, il y a une définition très claire". Mais peut-être
qu'il y a une définition très claire, mais aujourd'hui, moi, je trouve que c'est très
difficile justement de définir ce qu'est un journaliste, le rôle d'un journaliste, parce
que je pense qu'en fonction de où on est, si on est à Paris ou si on est à Clermont-Ferrand,
le travail n'est pas forcément le même en fonction de si on est sur de la radio, sur de l'écrit,
sur du en ligne, sur de la vidéo. Pareil, on ne s'adresse pas aux mêmes personnes,
ce ne sont pas les mêmes enjeux. Moi, de mon point de vue, mon rôle que je me donne sur mon
territoire, c'est d'observer qu'il y a de moins en moins d'argent pour la presse quotidienne
régionale, que le sujet de ce qui se passe par exemple en Auvergne est très peu traité par les
médias nationaux, un petit peu comme ça, sous-poudré, mais à peine, et que le modèle économique de la
montagne est de plus en plus compliqué. 65 % des lecteurs de la montagne, non, 80 % des lecteurs
de la montagne ont plus de 65 ans. Donc, il y a un vrai enjeu en fait pour l'avenir. Et je me dis
mais s'il n'y a plus ça, il ne reste pas grand chose. Et donc, nous, c'est de se dire avec ce
qu'on peut, avec nos quatre salariés, c'est déjà de sortir de l'actualité, d'informer sur les gens,
sur ce qui se passe, de faire de la brève. On dit qu'un fait n'est pas une information,
mais déjà dire qu'il y a un truc qui se passe, c'est déjà en fait beaucoup de travail d'aller
chercher ce truc qui se passe sur un territoire comme l'Auvergne. Donc, je trouve que c'est
vraiment un sujet qui est difficile. Et je pense que... Après, il y a des journalistes qui disent
non, non, mais par contre, nous, c'est justement d'aller chercher la contradiction. Mais la
contradiction, on ne la voit pas de partout et on la voit beaucoup dans la presse nationale et très
peu dans la presse quotidienne régionale. Ce que tu dis, c'est que tu as des contenus plutôt
optimistes et tu as des contenus plutôt pessimistes, ou en tout cas qui cherchent à faire remonter les
incohérences, qui cherchent des fois la petite bête, des fois la grosse qu'on ne voit pas. Et
que du coup, rien que ça, c'est déjà une différence importante entre les différents
journalistes et les différents travaux de journalistes. Et peut-être que tu remarques
que suivant où tu te situes, tu as une majorité de l'un ou une majorité de l'autre, géographiquement.
En fait, la presse quotidienne régionale, il faut être armé, il faut vraiment être outil,
il faut être des gros médias pour avoir le temps de faire de l'investigation, par exemple. Et quand
on est petit ou quand on a des moyens qui se réduisent, tu parlais aussi aujourd'hui des médias
qui disparaissent, mais en fait, payer un journaliste, ça coûte cher, donc on va prendre
des freelance, c'est de plus en plus précaire, il faut de la rentabilité, il faut que ça aille vite,
il faut créer toujours plus, toujours... Et donc, ouais, on a des médias... Je prends souvent
l'exemple, il y a Mediapart qui fonctionne très bien, par exemple, qui fait du journalisme
d'investigation au niveau national. Et il y a son petit frère qui s'appelle Médiacités,
qui fait la même chose, mais au niveau local. Et bien, eux, vous pouvez aller sur leur site
Internet et sur leur réseau, ils mettent des grands, grands, grands postes qui expliquent
en fait la situation et la précarité et le danger. Ils ont un modèle économique qui,
aujourd'hui, est très, très, très, très compliqué. C'est des journalistes qui vivent à Paris,
payés au SMIC, la plupart, et puis après, il y a ceux qui sont sur les antennes. En fait,
c'est très difficile aujourd'hui de faire de l'investigation au niveau local, parce qu'en
fait, les gens au niveau local, ils veulent savoir ce qui se passe autour d'eux. Ils n'ont pas
forcément envie de lire 25 pages hyper fouillées sur un sujet en particulier. Ils veulent balayer
un peu ce qui se passe autour de chez moi. OK. Mediapart, ils sont plutôt bien pour le moment.
Comment ils seraient mieux ? Uniquement de l'abonnement. Et de plus en plus,
aujourd'hui, ce qui fonctionne sur abonnement, c'est presque un acte militant. Il y a beaucoup
de gens, je connais plein, moi j'ai été la première à payer un abonnement pour un
média que je n'ai pas forcément lu, mais je pense que c'est important qu'il existe. Et donc,
tu payes en disant un peu comme pour une ASSO, tu soutiens, tu vois, parce que tu penses que
le projet est important et qu'il faut faire ta part. Donc, Mediapart, il a 15 ans, ils sont venus
fêter leurs 15 ans à Clermont. Ils ont fait une tournée en novembre dernier, je crois, et c'est un
des rares médias 100 % pure player, donc 100 % en ligne, avec un modèle économique qui est
sorti il y a 15 ans. Autrement, c'est très rare, en fait, de nouveaux médias qui fonctionnent
comme ça. D'accord. Les anciens, il y en a qui font la transition de manière assez réussie ou
ils galèrent tous ? Alors, nous, on a assisté à beaucoup de... C'est hyper intéressant de voir
comment on est passé de la presse en ligne au numérique, pendant très longtemps, parce que
maintenant, en fait, tout est lié. Il y avait donc les vrais journalistes et puis après, au sous-sol
ou au grenier, ils avaient mis trois, quatre gars qui géraient Internet, pas du tout connectés. Ils
faisaient leurs petits trucs, leurs petits sujets. Après, ils ont voulu les mettre... Bon, ils les
ont redescendus d'un étage. En fonction des médias, il y en a qui ont mis très longtemps
à accepter le fait que l'information sur Internet, c'était un peu l'avenir, quand même. Et donc,
en fonction du laps de temps qui s'est écoulé, ils vont se dire... Il y en a qui s'en sortent
plus ou moins bien. Et puis, mais encore aujourd'hui, dans plein de médias, on en
discute parce que parfois on participe à des événements avec des médias, ils vous disent
"mais vous avez encore des journalistes un peu à l'ancienne, ils sont là". Non, mais moi, j'écris
des articles, point. Mais nous, par exemple, les petits médias, nous, on ne peut pas se permettre
de juste écrire des articles. Il faut écrire des articles, aller faire des photos, voire faire un
reportage vidéo pour illustrer l'article, le décliner en fonction de tous nos réseaux,
sous le bon format, parce qu'on sait que le contenu de cet article, il ne va pas être lu sur TikTok.
Enfin, si on veut adresser la cible des jeunes sur TikTok, il faut qu'on remâche le contenu d'une
autre manière. Et donc, en fait, on est couteau suisse, mouton à cinq pattes. Et il y a encore
dans beaucoup de rédactions, ils disent "non, non, non, moi, ce n'est pas mon travail". Et il y a
toujours cette tension entre le numérique, l'écrit. Ce n'est pas terminé. Dans beaucoup de médias,
c'est encore des relations qui sont compliquées. Il n'y a pas forcément d'une stratégie digitale
hyper aboutie. C'est "oui, non, on va poster le lien de l'article comme ça". Non, c'est vraiment
compliqué. Et on fait venir des jeunes pour gérer ça. Et donc, en fait, on a aussi des différences
de génération, de manière de travailler. Non, c'est pas facile. Les anciens médias, mais tous
les anciens, tous les difficultés, les anciens, les historiques, on en a vu plein qui ont disparu.
Moi, je pense que l'avenir des médias, il n'est pas vert, il n'est pas rose plutôt. Il y a des vrais
questionnements sur à quoi ça va ressembler. À quoi ça va ressembler ? Qu'est-ce que ça va être
en termes de liberté ? Parce que si on doit renflouer les caisses, on ne renfloue pas les
caisses. S'il y a des investisseurs, qu'est-ce qu'ils vont demander en retour ? On voit déjà,
en fait, il y a beaucoup d'hommes d'affaires qui rachètent des médias. Est-ce que la ligne
éditoriale n'est pas orientée ? C'est compliqué. Ça veut dire que ça paye encore ? S'il y a des
investisseurs qui rachètent, est-ce que ça veut dire que ça paye encore ou est-ce que ça veut
dire qu'ils achètent pour l'influence ? Oui, je pense que c'est vraiment plus pour
l'influence. Ça ne paye pas. Personne n'achète un média pour se faire de l'argent. Non,
non, il n'y a pas... Non, non, c'est... On s'achète un média quand on s'achèterait,
je ne sais pas, un beau bijou, quoi. Ça coûte cher, c'est sympa, on peut le montrer. Mais,
oui, non, c'est... Mais voilà, mais c'est très différent. Moi, je parle de mon tout petit niveau
d'un média indépendant, en ligne, local, où on est quatre, qui est associatif. Je ne parle pas...
Enfin, ce n'est pas le Figaro, le monde... Enfin, c'est un monde que moi, je ne connais pas du tout.
Voilà, moi, tu vois, je ne lis pas la presse, mais les seuls, parmi ces noms que tu as cités,
les seuls que je vois passer et que je regarde, plus que les autres, c'est le monde. Des fois,
je lis des articles que je vois passer sur Google, je ne sais pas quoi. Enfin, bon, un agrégateur
Google, grosso modo. Et à un moment, alors, ça fait un moment que je n'en ai pas vu passer,
mais j'ai regardé des vidéos YouTube qui étaient super, qui étaient détaillées, qui étaient claires,
qui étaient bien faites. Et donc, je n'ai pas de point de compréhension, parce que je ne regarde
aucun des autres, mais je trouve qu'eux, ils arrivent à faire des trucs qui, moi, m'intéressent,
sachant que je ne m'intéresse pas à l'actualité du tout. Et je ne m'intéresse pas vraiment à la
presse écrite en général. Donc, voilà, tu vois, c'est l'exemple qui me vient, tu viens de le citer,
ce nom. Et donc, voilà. Mais non, mais c'est parce qu'en fait, il y a beaucoup, enfin,
il me semble, et ça, je veux dire, de mon point de vue, il y a beaucoup plus d'innovation éditoriale,
justement, sur de la vidéo. En fait, ce qu'on appelle un peu les nouveaux formats. Si on sort
du reportage classique France 2, France 3, voilà, du midi entre midi et deux, où là, c'est des codes
bien spécifiques, il y a beaucoup plus d'innovation éditoriale dans cet univers-là, justement, que sur
de la presse écrite. Un article, c'est un article. Une vidéo, elle peut prendre des formes extrêmement
différentes. Beaucoup de vidéos un peu de vulgarisation ou un peu pour les nuls, ou de
manière un peu simplifiée, illustrées avec des cartes, avec des images qui permettent de faciliter
la compréhension. Moi, j'ai vu des formats, j'étais allée, je ne sais plus quoi, des médias,
et je crois que c'était Le Monde. Ils avaient raconté des conflits avec des cartes. C'était
hyper bien fait. Mais derrière, en fait, c'est des jeunes qui sont des graphistes, qui sont
passionnés. Il y a beaucoup de techniques, en fait, aussi, derrière. Et c'est vrai, c'est sûr,
il y a... Mais j'aimerais, j'en sais rien, savoir, par exemple, les contenus qui sont faits en vidéo,
les vidéos du Monde. Je ne sais pas, toi, qui les fait ? Est-ce que ce sont des journalistes du
Monde qui font aussi des vidéos ? Je ne pense pas. Je pense que vraiment, c'est une verticale
bien spécifique. Et on est le journaliste-reporteur d'images, JRI, mais ça, c'est plus pour faire du
reportage, normalement. Mais ces formats originaux, qui sont parfois du facecam, avec de l'illustration,
en fait, il y a vraiment plein de choses que je trouve hyper intéressantes, justement, en vidéo,
de la part des médias. C'est plus intéressant, c'est plus original. Oui, qu'avant, quand il n'y
avait pas toutes ces possibilités technologiques. Et puis, il y a ce vrai sujet qui est aussi de se
dire "mais comment on touche nos cibles ?" Parce qu'en fait, si le but, c'est d'informer tout le
monde, plus largement. Aujourd'hui, les gens ne s'informent pas de la même manière. Par exemple,
toi, si tu n'intéresses pas à l'écrit, tu dis "et pourtant, tu as été touché par la vidéo,
tu es allé voir sur YouTube parce que tu consommes YouTube". Il y en a qui vont consommer TikTok,
il y en a qui vont consommer LinkedIn, Insta ou Facebook. Et il y a pendant hyper longtemps,
il y a eu ce truc de se dire "ah ben non, mais on ne va pas dénaturer le travail abouti et poussé
d'un article pour faire du truc à grignoter, à snaker pour les réseaux". Mais en fait,
si tu ne fais pas ça, ces gens-là, tu ne les informes pas. Et est-ce que ton travail de
journaliste, c'est faire un article hyper léché pour l'élite qui lit des articles ? Ou est-ce que
ton travail, c'est arriver à amener l'information là où sont les gens ? Il y a vraiment deux écoles.
Il y a des gens qui vous disent "non, moi, résumer 9000 caractères en 30 secondes, je suis désolée,
mais non". Ben ouais, mais en fait, il y a des gens, il n'y a que comme ça qu'ils s'informent. Donc,
en fait, si tu ne leur donnes pas, même si c'est les grandes lignes, en même temps,
il y a beaucoup de gens qui ne disent que les titres des articles aussi. Et donc, nous,
avec le Connecteur, notre postulat, c'est de se dire "on fait des articles comme ça, mais par
contre, quand on les diffuse sur les réseaux, on les retravaille pour que les algorithmes des
réseaux sociaux les fassent remonter, que ce soit les bons formats". Il y a une veille,
notre Community Manager, elle regarde toutes les nouvelles tendances et on réadapte la manière
dont on va parler de nos sujets sur chaque réseau en fonction des tendances, des nouveautés,
des changements d'algorithmes, pour qu'en fait, on touche les gens qu'on a envie de toucher,
quoi. Parce qu'autrement, tu passes à côté. Ouais. Dans le business, un truc que j'ai entendu
dire, j'ai entendu en anglais, donc je ne sais pas si ce sera la traduction exacte, mais on dit
"si tu vises tout le monde, tu ne vises personne". Et là, la question se pose aussi, à ce que tu
viens d'expliquer. Tu dis, il y a des gens qui disent "non, non, moi je veux continuer de faire
ce que je fais, tel ou tel raison". Mais en gros, ces gens-là, ils vont être un peu spécifiques,
du coup, je pense qu'ils vont viser une audience spécifique. Donc, un journaliste un peu old
school qui écrit des articles léchés, détaillés, etc., il va toucher une certaine catégorie de la
population. On peut imaginer qu'aujourd'hui, il y a des journalistes, des créateurs de contenu,
ou un mix des deux, qui vont, eux, au contraire, peut-être faire que du TikTok, faire que du
contenu court. Du coup, ils ne vont a priori pas toucher les mêmes personnes que les premières.
Donc, ma question, c'est est-ce qu'une stratégie, ça ne serait pas peut-être une personne soit
spécialisée, et après, si le média est suffisamment gros, peut-être avoir une branche
qui va viser tel ou tel public. Mais tant qu'on est petit, le choix est plus difficile, parce que
c'est se dire "est-ce que je me disperse en quelque sorte, est-ce que j'essaye de faire plein de
choses, de toucher plein de gens, parce que c'est ma mission ?" Très bien, mais j'ai conscience que
je ne serais peut-être pas dans un lieu ou dans un domaine compétitif. Je serais peut-être du mal à
me démarquer. Alors, peut-être que tu es dans un milieu qui n'est pas super compétitif, et que tu
peux te permettre de faire plein de choses avec peu de moyens, parce que tu te dis "c'est ma mission",
d'une part, et d'autre part, tu te dis "ça peut marcher, ça peut être suffisant par rapport à
ce que je veux faire". Donc voilà, c'est la question que je me pose. Quand tu décris ça,
je me dis "bon, oui, je comprends qu'il y ait deux écoles par rapport à ça".
En fait, ce n'est pas tant de s'adresser à tout le monde, c'est plutôt... Il y a énormément de
personnes qui... Tu vas avoir des gens qui s'intéressent à l'actualité, d'une manière
générale, je ne sais pas, la politique. Mais tu parles à des jeunes générations,
ils s'intéressent à la politique. Ce n'est pas pour ça qu'ils vont lire un article du
Monde sur la politique. Ils vont consommer le sujet politique d'une autre manière. Ils vont
vouloir le voir différemment. Tu vois la manière dont Hugo Décrypte parlait d'actualité. Et tu
veux dire "très bien, lui, il s'adresse à cette population et c'est très bien". Mais sauf que les
médias, si on prend l'écrit, la presse, c'est juste que ces gros médias, tu vois, si on prend
La Montagne ou autre, 80% de leurs lecteurs en plus de 65 ans après, ils vont mourir. Et ce n'est
pas renouvelé. Donc, en fait, il faut s'interroger en se disant "ok, mais comment on touche nos
cibles". Nous, par exemple, au Connecteur, on traite d'innovation, d'entrepreneuriat,
de science. Mais on veut toucher un peu les gens qui créent, qui font, qui imaginent des choses.
On les voit, c'est une typologie de personnes. Mais cette typologie de personnes, elle a une
manière de s'informer qui va être différente. Donc, nous, on ne veut pas cibler les gens sur
un type de réseau et parler que de ça. En fait, nous, on voudrait arriver à parler à tous ces
gens-là, cette cible-là bien spécifique, ce qu'on appelle les personnes un peu engagées,
les gens qui sont curieux, les gens qui font bouger leur territoire. Mais ils sont à différents
endroits. Nous, on ne le voit... On n'était pas sur Instagram avant, mais on a développé une
communauté, on a une reconnaissance maintenant auprès des jeunes qui disent "ah mais oui,
le connecteur". Parce qu'il y a plein de jeunes qui ont envie d'entreprendre,
qui ont envie de faire des choses, mais en fait, ils n'avaient jamais entendu parler de nous,
simplement parce qu'en fait, ils ne sont pas sur un site Internet et ils ne sont pas sur Facebook.
Et en n'étant pas sur Instagram, on n'existait pas pour ces gens-là. Mais c'est vrai que c'est
hyper compliqué. Je ne sais pas, justement, s'il faudrait qu'il y ait des gens qui informent sur
TikTok, des gens qui informent sur Insta, des gens qui informent à l'écrit, sur du papier...
En général ou au sein d'un média ?
En fait, sur l'avenir. Je ne sais pas s'il faut être horizontal ou vertical. C'est-à-dire,
c'est traiter un sujet et le décliner sur tous les réseaux ou être sur un réseau et décliner
tous les sujets. Je ne sais pas. Il y a les deux qui existent. Peut-être que l'avenir, il est...
Mais moi, je trouve ça triste, en fait, ce truc de siloter de manière générationnelle les choses.
Donc, c'est compliqué. Et l'autre chose, je trouve, qui interroge, c'est qu'aujourd'hui,
on a beau dire que le journaliste, normalement, il est censé être impartial, c'est jamais le cas.
C'est pour ça qu'on dit qu'il y a des médias de gauche et des médias de droite. Personne ne va
dire l'humanité, valeurs actuelles, c'est pareil. Il y a des couleurs politiques, parfois, dans les
médias. Je ne vois pas comment on peut dire autrement. Et il y a des sujets qui font, par
exemple, un média spécialisé dans l'écologie, comme reporter, comme psychographie au niveau
local. Les gens qui vont lire ce média-là, donc qui vont consulter, ce sont des convaincus. Ce sont
des gens qui sont déjà sensibles à ce sujet-là. Donc, c'est bien, ils se cultivent. Mais pourtant,
en fait, ce contenu, il mériterait d'être lu par des gens qui, justement, ne s'intéressent pas du
tout à l'écologie, parce que ça permettrait de leur ouvrir les yeux. Mais c'est un peu comme
en politique, et c'est un petit peu le problème, c'est que les gens qui lisent les valeurs actuelles
ne liront pas l'humanité ou Libération ou Mediapart. Et les gens qui lisent Mediapart n'iront
jamais lire Le Figaro. Et donc, en fait, on est toujours dans ce truc de silo. On s'informe d'une
seule manière. Et donc, quel est le rôle d'un média ? Est-ce que c'est de s'adresser à sa
communauté ? Parce qu'en fait, c'est de ça, de plus en plus aujourd'hui, c'est d'arriver à diffuser
au-delà de son premier cercle de fans. C'est vrai que c'est super compliqué, mais par contre,
c'est un vrai enjeu parce que les mêmes sujets sont traités de manière tellement différente
dans les médias. C'est le biais de confirmation. On lit les choses qui sont en accord avec notre
propre vision du monde, notre propre pensée. Et donc, la pensée autre et le point de vue différent,
en fait, on n'est jamais confronté puisqu'on ne lit pas les autres trucs. Et je ne sais pas
quelle est la solution. Forcer, se dire "je m'amône à un truc qui est complètement à l'opposé de...
Je trouve que ça ne m'intéresse pas, je n'aime pas les gens qui bossent là-dedans, je n'aime
pas leur ligne éditoriale". Pour voir que ce monde-là, il existe aussi, qu'il y a des gens
qui sont en accord avec cette pensée-là. Je pense que c'est un sujet qui est hautement
intéressant. Je me demande un truc, est-ce que tu penses que ces questions-là que tu viens de
soulever, est-ce que tu penses qu'elles sont typiques de l'ère des réseaux sociaux, typiquement,
ou en fait non, elles ont toujours existé. C'est-à-dire que les journaux que tu as cités,
ils existent depuis bien avant les réseaux sociaux. Enfin, je ne connais pas les dates de fondation,
mais je suis prêt à parier que quasiment tous à part Mediapart, tu as dit qu'il y avait 15 ans,
bon 15 ans il y avait déjà bien Internet et les réseaux sociaux ne devaient pas être bien loin.
Donc, est-ce que ce n'était pas déjà le cas ? Alors, je sais que les algorithmes des réseaux
sociaux ont cette fâcheuse tendance à s'enfermer de plus en plus dans un silo, dans une bulle. Ça,
c'est un truc qui est beaucoup ressorti ces derniers temps. Donc, j'imagine que ça n'a pas
fait de bien. Mais voilà, là je trouve que tu soulèves un point. Je me demande si c'est
spécifique à cette période-là, c'est spécifique au journalisme, aux médias, ça je le comprends
tout à fait. À quel point est-ce que ça a été amplifié ces dernières années ? Et à quel point
est-ce qu'en fait non, c'est en nous, on est comme ça, on veut entendre ce qu'on aime entendre,
et en fait on n'évolue pas très vite, on évolue très lentement en tant qu'espèce. Les technologies
évoluent très vite. Et voilà, ma question c'est qu'est-ce qui fait partie de l'humain ? Qu'est-ce
qui fait partie au contraire de la technologie et des outils qu'on apporte ? Je sais pas,
c'est alors, je pense que, je sais pas, le fou ou la poule, mais on clive de plus en plus. C'est
très binaire, de plus en plus binaire. La pensée complexe, il faut dire on est d'accord ou on n'est
pas d'accord. C'est oui ou c'est non. Je pense que quand on est sur les réseaux, on veut du
commentaire. Donc en fait, il faut cliver. Il faut aussi dans la manière de présenter les choses. Et
vous, qu'est-ce que vous en pensez ? Pour ou contre ? Et en plus, on le voit dans des émissions,
on lève "je suis d'accord", "je suis pas d'accord". C'est un sujet hyper grave et hyper complexe. Et
je pense que moi, parfois, j'ai vraiment, j'ai honte. Je me dis "oh là là, mais je comprends
en fait qu'on s'interroge sur les médias". Parce que parfois, la manière dont on traite les sujets,
c'est très, c'est dans la confrontation. Et en fait, on confronte et donc on n'apprend plus à se
parler calmement. On n'apprend plus à présenter un point de vue qui est différent, une opinion.
On essaie d'assainer des vérités. Moi, je trouve qu'il y a beaucoup de violence qui a été, pour moi,
c'est dans le débat télévisé. C'est une espèce de mise en scène toujours plus...
C'est là que ça a apparu en premier, tu penses ?
Peut-être, oui. J'ai cette impression que c'est, peut-être un peu la radio, mais que vraiment,
oui, c'est le truc un peu, le spectacle. C'est un peu spectaculaire. C'est chiant. Sinon,
si les gens se parlent normalement, s'ils ne s'en voient pas...
D'ailleurs, il va falloir qu'on commence à s'insulter un peu.
Non, mais c'est vrai. En fait, les gens, ils cherchent du clash. Le clash, ça marche,
ça fait vendre, ça fait commenter, il y a du partage. Et moi, je trouve que c'est horrible,
parce qu'on le retrouve de partout. Les modèles, la manière dont on va animer un débat politique,
en voulant pointer les différences, qui va pas d'accord, pas d'accord, de ping-pong. Je pense
que les médias, ils ont une responsabilité là-dedans, la manière dont on présente ce que
c'est qu'un débat d'idées. Et c'est pour ça que nous, on ne le fait pas trop. Notre porte d'entrée
au connecteur, c'est sur un sujet qui nous intéresse. C'est l'intérêt d'être un média
indépendant. C'est qu'on décide de se dire "moi, j'ai envie de le traiter, ça m'intéresse de
traiter ce sujet". Et puis, en fait, on le traite en donnant la parole à des gens qui ont l'air
intéressant. Moi, je sais pas de ce qu'ils pensent. J'ai juste vu un peu ce qu'ils font. J'ai vu
leur LinkedIn, puis je leur pose des questions et je leur donne la parole. Et c'est un point de vue,
c'est une opinion. Mais si on s'intéresse un peu au sujet, ça permet d'avoir quelques regards sur
les enjeux autour d'un sujet, peut-être de se faire sa propre idée. Mais voilà. Et surtout,
c'est carte blanche. Les gens ont le droit de s'exprimer. Mais par contre, pas de critique.
Enfin, la critique, l'autre, je suis pas d'accord avec ce qu'il dit. Moi, je pense que j'ai raison,
ça n'a pas de sens. Et je pense qu'aujourd'hui, on ne sait plus faire. Animer des temps, faire
se rencontrer des gens pour que la somme des opinions, à la fin, fasse avancer les choses.
Moi, j'ai animé plein de débats, donc journaliste. Ça fait partie aussi de ce pourquoi on nous
demande des prestations. C'est de modérer des tables rondes, d'animer des conférences. Et
en fait, en fonction de qui on a en face, parfois, c'est vraiment juste affirmer des points de vue.
C'est vouloir montrer que son point de vue, c'est qu'on a raison. Vouloir prouver qu'on a raison.
Alors ça, je pense que ça ne sert à rien. Mais voilà.
Alors attends, je veux bien qu'on prenne un peu le temps là-dessus. Moi, je pense que chercher à
prouver qu'on a raison, chercher à convaincre, je trouve que c'est quelque chose de très utile.
Ce qui est problématique, c'est quand il n'y a pas de base solide sur laquelle on peut s'appuyer,
et où c'est vraiment une question de préférence. Je pense qu'il y a des domaines, enfin je suis
convaincu qu'il y a des domaines où il y a des vérités. Des vraies vérités. C'est très moche
ce que je viens de dire, mais des vérités fondamentales. Et dans ces domaines-là,
je pense que ça vaut le coup d'essayer de convaincre l'autre en donnant des arguments,
pas en criant plus fort, mais en justifiant, en précisant. Est-ce que ça fait partie de l'exemple
que tu viens de donner ? Ou est-ce que non ? Enfin, toi tes exemples, c'était vraiment sur du,
je ne sais pas moi, je préfère le rouge ou je préfère le vert.
Mais je pense que c'est important de le faire. Mais moi, je me pose souvent cette question,
c'est est-ce qu'à la fin, ça change quelque chose ? C'est-à-dire que quelqu'un qui va dire
"la Terre est plate", et quelqu'un qui va sortir toutes les vérités scientifiques sur... Mais non,
mais enfin, non, tu vois, il y a des vérités. Mais ceux qui ont envie de croire que la Terre,
elle est plate, tu peux leur dire ce que tu veux, en fait, ils ne changeront pas. Ça ne changera pas.
Donc c'est important de pouvoir énoncer des faits, rappeler des choses, mais ce qui est de
plus en plus... Ce qui est très difficile, c'est qu'il y a des personnes qui vont avoir une vision
de la réalité qui n'a rien à voir. Et donc, à la fin, tu vas avoir ton débat, ta rencontre entre
un platiste et un gars qui pense que la Terre est ronde. Enfin, voilà, un gars qui pense que la
Terre est ronde, puisque du point de vue des platistes, c'est juste un gars qui pense que la
Terre est ronde. À la fin, moi, je me pose vraiment la question. On l'a vu dans plein de domaines,
on l'a vu avec le Covid, on l'a vu avec plein de choses. T'as beau présenter les faits, les gens,
ils vont voir que ce qui les intéresse, ce qui les intéresse. Et donc, c'est hyper compliqué.
Et je pense qu'il y a sur plein de sujets, il y a des faits, mais il y a toujours quelqu'un qui va
dire "oui, mais la science, on a cru à un moment donné que la Terre, elle était plate". Et donc,
pourquoi cette vérité d'aujourd'hui, elle serait plus vraie que... Et si tu n'expliques pas ce que
c'est que la démarche scientifique... Mais les gens, en fait, ils s'en fichent de savoir ce que
la démarche scientifique, ce qu'ils veulent te dire, c'est "ben voilà, c'est du complotisme,
tu vois, on manipule, la Terre est plate, point". Donc, je comprends. Moi, je parle plus sur le
débat d'idées, c'est-à-dire qu'il y a des sujets où il n'y a pas de vérité absolue. Et voilà,
je pense, moi, je m'intéresse beaucoup à la politique. Il y a des manières d'aborder des
problèmes. Il y a des regards qu'on porte sur le monde. Et si on arrivait à les énoncer,
à dérouler sa pensée, à ne pas s'adresser à l'autre, à juste peut-être du discours,
plus discours que débattre, de dire "vas-y, explique ta vision du monde", mais pas être
dans la confrontation. Il y a beaucoup... On entend parfois cette notion de triangulation
ou de médiation, en disant "on est là pour parler d'un sujet, mais par contre...". Et c'est pour
ça que je trouve que c'est hyper intéressant, comme pour un journaliste, ce sujet-là, de se dire
"il y en a un qui parle, l'autre parle, mais par contre on ne fait pas du ping-pong, tu passes par
le journaliste". On s'exprime, on exprime sa vision, mais on ne s'arrête pas de démolir l'autre. On
essaye de convaincre de sa propre vision, pas de convaincre que l'autre a tort. Et pour moi,
c'est un des rôles du journaliste de demain, tant au niveau local que national, c'est d'être un peu
médiateur sur des territoires parce qu'il y a des enjeux, beaucoup d'enjeux autour de... écologiques,
environnementaux. Nous, on est sur du journalisme de solution, il va falloir se lever les manches
et puis travailler tous ensemble. Mais il y a des gens qui ont des vraies difficultés à se parler.
Et je pense qu'un des rôles de journaliste de demain, au niveau local, c'est d'arriver,
c'est de rassembler. Nous, on n'a jamais de mal à rassembler des gens qui ont des visions très
différentes. C'est un des avantages encore du média. On n'est pas connoté, moi le connecteur,
si je peux appeler un chef d'entreprise, un militant, et leur dire "est-ce que vous voulez
bien venir discuter de ce sujet ?" On n'est pas connoté. Et je pense que c'est un des avantages.
Et je pense qu'un des rôles d'un journaliste au niveau local, c'est de mettre autour de la
table des gens pour les faire réfléchir à exprimer leur point de vue, parce que c'est
important d'arriver à se mettre à la place de l'autre et essayer de voir, de tracer un chemin
commun pour justement trouver des solutions, pour répondre aux enjeux. C'est vraiment,
ça c'est un peu mon sujet de demain. Aujourd'hui, les médias regardent de l'extérieur et ils
commentent. Moi, j'ai l'impression qu'on est dedans. Il faut être au milieu. On doit être au
milieu. Ça me parle parce que je t'ai observé dans ce genre de circonstances. Je ne me rappelle
pas, les quelques fois où je t'ai vu animer des... Je ne sais pas si le mot débat marche dans ce cas-là,
mais bon, les quelques fois où je t'ai vu animer, j'ai vu que c'est ce que tu cherchais à faire,
c'est-à-dire rassembler, être... Comment dire ? Faire le lien. Donc, je comprends très bien ce
que tu veux dire. J'aimerais revenir sur un point par rapport à ce dont tu viens de parler. Il y a
un mot-clé que j'aimerais qu'on parle. Tu as employé le terme "les gens". Tu disais "les gens
ne font pas ci, les gens ne font pas ça". Je pense que ça mérite qu'on mette un petit peu de nuance
là-dessus parce que je suis tout à fait d'accord avec toi qu'il y a des gens qui vont croire à un
truc, à un autre truc. Et ça sera peut-être la majorité des gens, la majorité des personnes.
Je pense cependant qu'il y a aussi une part d'indécis. Et que si ces indécis-là entendent
la version de droite, entendent la version de gauche, peut-être qu'ils vont aller vers quelque
chose qui fait plus sens pour eux. Et peut-être qu'à la fin, ils croiront quand même, mais ils
vont croire parce qu'ils se sont emprégnés de certaines choses. Peut-être que ce ne sera pas
le bon choix par rapport à la réalité. Mais je trouve que c'est déjà une amélioration. Quelqu'un
qui va croire que la terre est plate pour telle et telle raison, c'est qu'il a été touché par
des arguments. Alors que juste si tu crois que la terre est plate parce que ton grand frère t'a dit
que la terre était plate, je trouve que ce n'est pas exactement le même niveau. Je veux juste
revenir un peu là-dessus. Je ne sais pas si tu veux dire quelque chose là-dessus. Moi, ça me fait
penser au swing state, dans les élections américaines. Finalement, les élections se jouent
toujours à rien. Et en fait, c'est quoi ? Je ne sais même pas si ça se compte en millions de
personnes. C'est ce petit nombre d'indécis qui va pencher d'un côté ou de l'autre, comme un peu
les centristes en France. C'est eux qui vont faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Moi,
c'est quand je dis aux gens... Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais je pense qu'il faut
avoir l'humilité en tant que journaliste de se dire que, en effet, ce qu'on va faire, le travail
qu'on va faire, à la fin, ça changera peut-être la manière de voir de trois personnes. Peut-être.
Mais ce n'est pas grave. Et je le fais, moi, pour ces trois personnes, parce que je pense que ça
vaut le coup. Mais je pense qu'il faut avoir cette humilité de se dire qu'on ne va pas convaincre
massivement les gens. Et par exemple, on le voit sur des sujets écolo, par exemple. Des gens qui
se disent "mais c'est hyper dur, comment on peut ne pas comprendre ce dont je suis en train de te
parler ?" Mais si tu te désespères parce que les gens ne changent pas de point de vue, parce que
tu as écrit pourtant un truc hyper clair sur ce qui allait nous attendre dans les 30 prochaines
années, mais ça te donne envie de te sauter par la fenêtre. Ce n'est pas ça qui est important,
c'est de se dire "dans ceux qui ont lu, il y en a peut-être trois, quatre pour qui vont se dire
"ah ouais, je ne pensais pas". Et tu fais ton travail pour cela. Et donc, moi, c'est ce que
je me dis dans ce que l'on fait. C'est ça, c'est que finalement, dans la manière dont on va parler
des choses, il y a des gens qui vont faire "mais ça ne sert à rien". Oui, ok, on ne peut pas
convaincre cela, on ne peut pas éclairer, on ne peut pas apporter parce qu'ils ont un point de vue,
mais ce n'est pas ça. On s'adresse à ce petit nombre de personnes qui n'ont pas d'idée préconçue,
mais qui s'intéressent. Mais je pense que c'est juste très important de se rendre compte qu'on
ne va pas changer le monde. J'étais allée voir une super pièce de théâtre sur les gens qui
bossent dans l'humanitaire. J'en ai fait une chronique, "Médecin sans frontières" et tout
ça. Il disait "quand tu commences dans la profession, tu penses que tu vas changer le monde.
Au bout de quelques années, tu te rends compte que tu ne vas pas changer le monde. Et c'est quand
tu comprends que le monde ne peut être changé, c'est là que tu peux vraiment commencer à travailler".
Je pense que c'est hyper important dans le processus qu'on fait, ces métiers-là. On y va
en se disant "journaliste, je vais informer les gens, je vais leur faire prendre conscience de
trucs". Mais en fait, non. Déjà, tu ne vas faire prendre conscience de rien du tout. Et en fait,
aussi, la structure des sociétés a toujours été la même. Il y a toujours des gens qui croient à
certaines choses, d'autres qui sont en opposition, des gens qui ne bougeront jamais d'un iota,
d'autres qui sont plus malléables et plus ouverts. Et en fait, il faut accepter. Il ne faut pas
s'agacer, il ne faut pas se désespérer. Il faut juste se dire, un peu comme le colibri, "je continue
de faire ma part". Même si, à la fin, ça ne va pas toucher beaucoup de monde, finalement,
ça ne va pas changer le monde, ça c'est sûr. Mais je le fais et je sais pourquoi je le fais.
En fait, je le fais parce que si je ne le fais pas, qui d'autre le fera ? C'est le nom d'un bouquin
d'Amien qui a sorti ça. Parce que c'est ça, en fait, c'est de se dire "ben voilà". Mais je suis
d'accord avec ce que tu dis, les gens sont tous très différents.
Ouais, et puis, typiquement, les gens qui écoutent Principes fondamentaux ou qui regardent
Principes fondamentaux, je pense que, bon, pour le moment, ils ne sont pas extrêmement nombreux, mais ceux qui reviennent, c'est typiquement,
à mon sens, les gens qui veulent, comme moi, parce que le Principe fondamentaux, c'est un reflet de
ma vision des choses, qui veulent prendre le temps, qui veulent la nuance, qui veulent...
Et j'espère qu'ils veulent être convaincus. Moi, j'aime bien être convaincu que j'ai tort.
J'aime pas qu'on me dise que j'ai tort, mais j'aime bien être convaincu que j'ai tort. Et j'espère que
dans les épisodes que j'ai déjà fait et dans ceux que je ferai, il y a des choses qui vont interpeller
les gens et qui vont se dire "bon, je voyais les choses d'une manière, peut-être qu'il y a autre chose,
peut-être qu'il y a autre chose". Et après, tu retournes dans ta voie initiale, une fois que tu as creusé
et que t'es pas convaincu, il n'y a pas de problème. Mais moi, ce qui m'embête, c'est... Comment dire ?
Quand on se trompe et que c'est facile de ne pas se tromper, qu'il peut manquer un petit truc. Il y a
des choses qui sont très difficiles, des choses qui sont très difficiles à changer et qui sont
pire à d'autres, juste parce que t'as jamais entendu ce point de vue ou t'as jamais entendu
cette technique. Moi, en tout cas, je suis comme ça. Je ne sais pas si je fais... Je manque un peu
peut-être d'imagination des fois. Par contre, quand je vois quelque chose qui est possible,
quelque chose qui est réalisé par quelqu'un, je me dis "ouais, c'est possible". Donc si c'est possible,
je peux peut-être le faire. Et c'est pour ça que moi, je suis un gros consommateur de podcasts
depuis que j'ai découvert le format en 2016, quelque chose comme ça, parce que je m'imprègne.
Je m'imprègne et je ne suis pas capable de citer grand-chose, mais je sais que je m'imprègne,
je sais que je ressens les choses, je sais que je les perçois, je les entends une fois, deux fois,
trois fois. Et là, ça commence à vraiment rentrer. Donc je pense que toi, dans ce que tu fais,
il y a ça comme résultat potentiel aussi. Non mais alors, moi, je me reconnais exactement
dans ce que tu dis, mais je pense que c'est une manière de voir le monde, de choisir de
s'imprégner. Moi, j'adore, plus je creuse un sujet, moins j'ai de certitudes. Mais c'est
l'effet Dunning-Kruger, c'est-à-dire, pour ceux qui ne connaissent pas, je lis deux articles sur
le sujet, puis là, je fais des posts à tout va parce que j'ai l'impression d'avoir tout compris.
Et puis, plus je creuse le sujet, plus je me rends compte qu'il est complexe, moins je suis
sûre de ce que je vais dire, donc moins je dis finalement. Et c'est ce qu'on retrouve avec
beaucoup de chercheurs, où quand tu veux les interviewer, en fait, eux, ils travaillent là
dessus. Tu leur demandes, est-ce que vous pouvez me parler de ça ? Ils sont là, non, pas légitimement,
enfin super dur de faire, parce que justement, ils savent à quel point c'est compliqué. Et moi,
je me rends compte que quand je traite un sujet, un dossier spécial, une thématique, pareil,
j'ai un peu une idée de base. Et puis, tu laisses parler une personne qui va avoir une vision,
mais qui n'a rien à voir avec la tienne, mais qui est valide, juste, intéressante,
ou qui vient d'un autre monde, d'une autre manière. Et en fait, quand tu as les quatre à la suite,
comme ça, ou les cinq à la suite, après, quand tu te dis, je ne sais plus, en fait, je sais que
je ne sais rien. Et en fait, je trouve qu'on devrait apprendre peut-être plus ça au niveau
éducatif, de se dire que c'est bien de douter. C'est le moment où on ne doute plus qu'on est
hermétique au reste. C'est à partir du moment où tu travailles ton doute en te disant, ok, j'ai lu
ça, mais si j'allais regarder ce que lui dit, ce que elle dit, ce que machin raconte sur le sujet,
peu importe qui ils sont, et bien, en fait, tu es dans une démarche d'ouverture. Mais je pense
qu'à partir du moment où tu ne doutes plus, et ça, tu le vois, moi, je le vois avec l'âge,
parfois, il y a des gens, c'est bon, ça fait 30 ans que je fais ça, je sais. Mais non, en fait,
tu ne sais pas, parce que si tu penses que tu sais au bout de 30 ans, ça veut dire que tu n'es plus
ouvert à la pensée différente. Le monde continue de tourner, les choses continuent de bouger,
tu ne peux pas, en fait. Mais je suis assez d'accord, s'imprégner, mais je pense que tu fais
peut-être partie des swing state, et peut-être que les gens qui écoutent "Principes fondamentaux",
c'est aussi ces tranches de personnes-là qui ont envie de découvrir, en effet, tu vois,
mais je pense que c'est pas la plupart des gens. Je pense que ça s'apprend. Moi, je ne savais pas,
en fait, que plus tu donnais la parole, tu intervievais des gens, moins tu avais de certitudes.
Je l'ai découvert. Moi, j'en ai plus. Mais ce qui est difficile, parce que maintenant,
on me dit "mais qu'est-ce que tu penses, toi ?" Je sais plus ce que je pense, je sais pas,
je sais plus ce que je pense sur un sujet. Alors, moi, je vais te dire, il y a des sujets
sur lesquels j'ai pas d'opinion du tout, parce que je connais rien, enfin, je suis conscient,
je connais rien. Et après, je dois avoir quelques certitudes comme tout le monde,
je pense. Mais après, il y a beaucoup de sujets où je pense savoir, mais tu vois,
si on me demande mon avis, je vais peut-être essayer de nuancer en disant un truc que j'aime
bien faire, au moins pour moi, je sais pas si je le dis beaucoup, mais j'estime la probabilité
que j'ai raison. C'est vrai ?
Ouais. C'est-à-dire, je sais pas moi, je pense que la Terre est ronde à 99%. Je vais rarement
au-delà de 99. Il y a pas grand-chose, ce que je disais tout à l'heure, il y a pas grand-chose
où je me dis, non là, je suis absolument certain, peut-être certaines sensations,
tu vois, certains trucs que j'éprouve moi-même directement. Voilà, j'ai aucun doute sur le fait
que si je bois pas pendant trop longtemps, si je bois pas d'eau pendant trop longtemps,
je vais mourir. Donc voilà, là, tu vois, je suis extrêmement proche du 100%. Et après,
il y a plein de niveaux intermédiaires, on va dire. Et ouais, c'est un type de réflexion que
j'ai souvent de manière plus ou moins consciente, je dirais relativement consciente quand même. Et
voilà, du coup, ça me permet de... Quand je communique aussi avec les gens, suivant à quel
point j'ai confiance en ce que je dis, je vais adapter mon langage aussi par rapport à ça,
par rapport à ce pourcentage que je te dis, qui est en surface ou moins. Mais ouais, moi,
je vois beaucoup les choses comme ça. C'est vrai que moi, je suis pas du tout
mathe, donc j'aime pas les probabilités. Moi, je vais souvent commencer personnellement où
toi, moi, je me dis que, je pense que, je suis persuadée que... Parce que ça dépend qui tu es
en face. Mais parfois, il y a vraiment des gens qui vont se braquer, tu vois, si tu leur dis "moi,
je pense que j'ai raison". Ils vont dire "moi aussi, je pense que j'ai raison". Et donc,
en fait, de parler toujours par rapport à soi, de mon point de vue, par rapport aux lectures que
j'ai pu faire, par rapport aux trucs que j'ai vus. Moi, j'ai plutôt tendance à penser ça. Mais de
laisser la place à l'autre. Tu vois, en fait, je comprends que tu puisses penser qu'il y a des
gens qui, sans boire d'eau, peuvent survivre. Laissez un petit peu la porte ouverte parce que,
finalement, juste en laissant cette toute petite porte ouverte, ça permet à l'autre de t'écouter.
Si tu pars du principe, si t'es trop dans les certitudes... En fait, voilà, moi, je préfère
dire que j'ai des convictions que des certitudes parce que je trouve que c'est moins frontal. Et
moi, j'ai l'impression que la personne, elle va plus m'entendre, plus m'écouter si je lui parle
de mes convictions que de mes certitudes. Parce qu'il y a un côté très... voilà, donneur de
leçons. Voilà, moi, je veux éviter ça. Mais c'est vrai qu'après, il y a des sujets où j'ai des
convictions qui sont très fortes et c'est vrai que je n'ai pas de soucis pour en parler. Mais
voilà, peut-être parce que je l'ai expérimenté sur la place des personnes âgées dans la société.
Enfin, tu vois, ça, c'est un sujet où je peux en parler. Sur les médias, parce qu'en fait,
je vois bien autour de moi qu'il y a un truc qui ne va pas. Sur les modèles économiques,
sur... Là, en ce moment, il y a les assises du journalisme. Je n'ai pas bien compris ce que
c'était parce qu'en fait, les journaux, les médias ne sont pas trop associés.
Oui, et puis, je pense que les journalistes s'assoient souvent, donc c'est un peu le cas en
permanence. C'est ça qui te perturbe peut-être. Sauf ceux qui travaillent sur des bureaux,
tu sais, le bureau assis debout.
Non, mais tu vois, en fait, tu as ce truc où tu as tous ces débats qui sont en train de se faire
sur l'avenir de l'information, des médias, du journalisme. Je ne sais pas, moi, je suis... Je
suis quand même très inquiète. Tu m'as demandé quand on préparait, quand on discutait, si il n'y
a plus de médias locaux, par exemple, tu ne penses pas qu'il y a d'autres qui prendront le
relais ? Et ouais, si, tu vois, il y a d'autres personnes qui prennent le relais, mais...
Mais tu n'as pas forcément confiance en eux.
Bah, en fait, c'est... Il n'y a plus de cadre, quoi. En fait, il n'y a plus du tout de cadre.
Et aujourd'hui, on le voit bien, il y a plein de sites internet qui se revendiquent comme médias.
Là, c'est de plus en plus encadré, mais tu vois, du public reportage, tu vois,
qui sont faits payer pour écrire des trucs sur des entreprises, sur des personnes, tu vois,
pour... Et c'est mentionné nulle part. Donc, en fait, ça prête vraiment... C'est du lobbyisme,
tu vois, c'est du public reportage, mais on ne le dit pas. C'est présenté sous forme de...
Ça commence à être un peu encadré, mais le danger, en fait, c'est ça. C'est-à-dire que
tu puisses avoir quelqu'un qui a beaucoup d'argent, hop, mais qui peut en fait le faire
aujourd'hui, qui va dire "je suis un média", arroser les réseaux pour être hyper présent,
faire un... Et en fait, c'est celui qui crée le plus fort, tu vois. Et voilà, moi, je trouve que
c'est... C'est dangereux. C'est beaucoup une question de globalisation. Je ne sais pas si
on le dit en français, "globalisation". Parce que je n'ai pas envie de dire "mondialisation",
parce que ce n'est pas exactement ce à quoi je pense. Est-ce que tu penses que ce problème-là,
là, que tu viens de citer, c'est aussi ça ? Parce que, bon, on se met 100 ans en arrière.
L'information qui nous arrivait, c'était le potin, numéro 1, peut-être. Numéro 2,
c'était le journal du coin. Bon, il y a 100 ans, il y avait la radio, mais enfin, voilà.
Bon, il y a 200 ans, peu importe. Aujourd'hui, l'information, elle peut... Enfin, comment dire ?
D'un côté, elle est... Tout le monde peut créer son contenu. Donc, ça donne l'impression que c'est
décentralisé. Mais d'un autre côté, ça passe tout à la moulinette par peu de... Pas tout,
j'exagère. Mais par exemple, moi, je consomme pas mal de YouTube. YouTube, il y a des règles,
il y a des... Voilà. Mais du coup, c'est la même règle que tout le monde. Et moi, le contenu que
je consomme, alors c'est 90% américain, 7% français. Et puis, une fois de temps en temps,
ça vient d'ailleurs. Mais est-ce que tu penses que ce... En gros, quelqu'un qui veut mal faire,
ou pas forcément d'ailleurs, mais quelqu'un qui a des gros moyens, a plus d'influence aujourd'hui
qu'en 1814. Je sais pas pourquoi je dis 14, je ne peux plus dire 24, mais c'est 1814 qui est venu.
Je sais pas, en fait. Non, peut-être pas. Tu vois, pas forcément. Après, je pense que la
différence, c'est que tu vois, on parle d'infobésité. C'est qu'il y a vraiment de l'information qui
arrive de partout. Je sais pas le terme, mais je vois ce que tu veux dire. Il y a de l'information
qui arrive de partout et nous, on n'est que des êtres humains. Et en fait, déjà, faire le tri
entre... Pourquoi ? Mais tu vois, entre ce qui est de l'information, ce qui est du blogging,
ce qui est... En fait, c'est hyper difficile. Et c'est pour ça, en fait, moi, je sais pas si toi,
t'en as dans ton entourage, mais moi, j'ai des gens qui te disent "moi, j'arrête un réseau".
Tu vois, j'arrête... Même moi, dans ma consommation des médias, j'arrête d'écouter,
j'écoute beaucoup la radio. J'écoute pratiquement plus la radio en direct. Parce qu'en fait,
je suis... Je supporte plus, en fait, de me lever le matin et de me dire "en fait, je peux écouter
15 radios différentes. Il y a trois sujets qui vont tourner en boucle, peu importe la radio. Et
c'est ce sujet-là qui doit être traité et c'est ça que je vais devoir subir". Et en fait, il y a
plein de gens qui ont l'impression de subir l'information, qui ont l'impression de subir
les sujets d'actualité. Moi, j'écoute à 24 heures des décalages, en fait, quand ça devient
du podcast, du replay, où là, je choisis le sujet sur lequel j'ai envie de passer une heure. Et je
pense que vraiment, aujourd'hui, c'est aussi... Enfin, moi, ce qui me désole et me désespère,
c'est qu'il se passe tellement de choses dans le monde qui mériterait, dans le monde en France,
ailleurs, d'être mis en avant et on tourne en boucle sur des sujets dont tout le monde se fout.
Enfin, les gens s'en fichent. On arrive, et je pense que ça pareil, les médias ont un rôle
là-dedans, c'est de se dire "si moi, je ne traite pas ce sujet-là et que les autres le traitent,
vu que c'est le sujet qui a un peu tendance, je vais être à la ramasse".
Ouais, attends, mais tu dis "tout le monde s'en fout" et après, tu dis "c'est un sujet tendance".
En fait, c'est qu'à force de nourrir d'un truc, tu finis par t'y habituer.
Tu peux me donner un exemple ?
Là, ouais, il y en a plein, mais je ne sais pas... C'est surtout dans ce que j'appelle le monde
politico-médiatique, c'est-à-dire là, tu as eu le remaniement, le remaniement, le dernier
remaniement. Trois jours avant, il y avait des rumeurs de remaniement, tu avais quand même des
émissions spéciales qui tournaient en boucle sur qui pourrait être le Premier ministre, avec des
hypothèses basées sur rien. Après, il y a l'annonce et après, pendant trois jours, tu n'as
que ça, c'est-à-dire "et Gabriel, il a quatre ans de quatre ans et il est gay, et sa vie privée,
et son machin, et son truc". Il n'y a que ça. Et en fait, est-ce que vraiment dans le quotidien
des gens, savoir... C'est bien d'avoir deux, trois infos sur Gabriel, mais tu vois, dans le
quotidien des gens, ce n'est pas ce qu'il y a de plus important. Mais en fait, quand il n'y a que
ça qui tourne, tu finis par le regarder et les médias se disent "ouais, c'est le sujet du moment,
il faut le traiter". Si moi, je traite un sujet tout autre, je suis à la ramasse parce que c'est
le sujet... Mais moi, j'ai l'impression que ça tourne en boucle. Là, on a le lycée Stanislas,
les révélations de Mediapart, qui sont intéressantes en soi parce que tu lèves le voile
et tu te rends compte qu'il y a des passe-droits, qu'il y a des lycées catholiques qui sont
subventionnés par l'État, qui forcent à faire des cours de KT, ce qui est complètement interdit.
Donc, c'est intéressant parce que derrière, ça tourne en boucle. Et si tu regardes d'ailleurs
un Google Actu, Tendance, Twitter, tu as quatre, cinq sujets qui tournent en boucle. Puis après,
il y en a un nouveau qui arrive, qui chasse l'autre. La guerre en Ukraine, c'est terminé,
maintenant que tu as la guerre en Israël et en Palestine. Et donc, moi, j'entends de plus en
plus de gens et qui sont à la base des gens qui sont férus d'actualité, qui se détournent des
médias de l'actualité et qui vont après picorer justement d'une autre manière. Et en fait,
ils te disent "ma vie, elle va mieux, une fois depuis que j'ai arrêté". Il y a trop de tout.
Avant, j'écoutais la radio toute la journée, mais ça rend malheureux vraiment.
Mais moi, j'en suis convaincu. Je vais te dire, j'en suis convaincu. Moi, je ne suis pas du tout
les actualités. Et ça va bien. Ça va pas mal. Non, mais sérieusement, je me dis, s'il y a un
truc vraiment important, il y a quelqu'un qui va m'en parler. Et en plus, ce que tu racontes là,
moi j'en suis complètement conscient. C'est une espèce de folie de repasser en boucle les mêmes
trucs. Tu vois, des éditions spéciales sur rien, tu vois. C'est incroyable. BFM, ils sont très bons
là-dessus, tu vois, pour tenir des antennes avec du vide. Il y a un super frustration magazine,
je ne sais plus où il était, je ne sais pas s'il n'était pas à Mediapart, le gars. Il avait fait
un super article sur comment ça se passe, les experts qui passent sur les plateaux télé. En
fait, il disait "experts, c'est devenu un métier". En fait, il faut réagir. Tu vois, l'actualité
chaude, il faut réagir. Donc, il y a ce qu'on appelle l'actualité froide et l'actualité
chaude. L'actualité chaude, c'est le truc qui arrive sur le moment. L'actualité froide,
j'ai envie de dire que finalement, le réchauffement climatique, c'est de l'actualité, on peut le
traiter à n'importe quel moment, c'est toujours pertinent. La tornade, c'est de l'actualité
chaude. Et en fait, vu que tout se passe à Paris, puisque les médias sont centralisés, radio,
internet, il faut des gens qui soient appelés le mardi soir à 23h et dispo pour le lendemain
à venir sur un plateau à 7h du matin. Des gens qui travaillent, en fait, qui habitent loin. Donc,
en fait, finalement, on est dans un microcosme. C'est toujours les mêmes qui viennent,
ils se connaissent tous, ils ont quatre, cinq sujets sur lesquels on peut plus ou moins les
faire parler pendant 20 minutes. Et puis, ça va bien. Donc, c'est un truc de consanguin. Il est
génial cet article parce que vraiment, il te raconte les dessous de comment ça fonctionne.
Si tu analyses, tu le vois bien. Tu es là "mais qu'est-ce qu'il fait encore là, lui ?". Il
passe, il fait toutes les matinales sur toutes les radios pour dire exactement la même chose.
Et donc, c'est le cas à la radio autant qu'à la télé ?
Oui, c'était vraiment... C'est une question de disponibilité. Et c'est-à-dire que tu vois,
je ne sais pas, le chercheur ou l'expert déjà sur les territoires, à part si tu as un petit
"France Bleu", tu vois, qui existe difficilement, mais qui existe encore, prête le studio pour que
France Inter puisse faire une interview. Mais autrement, tu n'as jamais d'experts qui sont des
territoires qui vont venir parler d'un sujet. C'est très parisien, le traitement de l'information
sur les chaînes nationales. Nous, on est un peu les plus gosses, tu vois, qui ne montrent jamais
notre avis. Personne, tout le monde s'en fout, tu vois. Personne... Voilà, c'est très rare.
Il n'y a pas des gens... Alors, moi, la seule émission que je regarde... Alors,
plus trop maintenant parce que je pense qu'à la période Covid, ça m'est sorti par les yeux au
bout d'un moment. La seule émission que je regarde un peu, c'est "C'est dans l'air". Et je me rappelle
qu'il y avait un des gars, je ne me rappelle plus ton nom, comme ça, je suis sûr qu'il reviendrait,
il disait... Moi, je suis à... Je pense que c'était dans le Covid quand il faisait ça en visio. Je
suis à... Vers Marseille, peut-être. Peut-être qu'en visio, ça marchait.
Non, mais ce que je veux dire, c'est qu'il y a peut-être des gens de temps en temps, tu vois,
qui viennent d'un peu plus loin. Mais effectivement, ça ne peut pas être sur des sujets d'actualité
chaude. Et c'est pour ça que les sujets un peu plus au long cours, tu peux peut-être te permettre
de te dire "Bon, demain, après-demain, les gens, ils prennent le train". Enfin, bon, pas
les Clermont-Thau, évidemment, on ne peut pas aller à Paris, nous. Mais...
Non, non, mais... Je vais exagérer un peu.
Bah si, mais tu parles la veille. Tu parles la veille pour avoir une chance.
Bah non, mais c'est vrai, tu parles la veille. Non, mais oui, je dis ça en plaisantant,
mais effectivement, les gens qui partent de Lyon, ils sont en Paris très rapidement. Les gens qui
partent de Bordeaux, de Marseille... Par contre, c'est vrai que pour des émissions,
enfin, je dis, j'aime beaucoup la radio. Il y a plein de fois où j'ai écouté beaucoup France
Culture, mais où t'étais là "Oh, bah tiens, je l'ai déjà interviewée, elle". Parce que,
en fait, justement, ils ont des grilles... C'est du temps long, c'est "Tiens, on va traiter ce sujet
hyper spécifique sur, je sais pas, la disparition des fourmis". Mais ça, c'est anticipé, c'est
travaillé très longtemps à l'avance, ce ne sont pas des matinales, ce n'est pas de l'info... Ce
n'est pas de l'actualité chaude. Et je pense qu'en fait, c'est ça. Et c'est pour ça que,
moi, quand on me dit "Hm, mes journalistes", et qu'on me regarde de travers, je comprends,
en fait, parce que je trouve qu'on ne donne pas une image complètement incroyable. Enfin,
d'une certaine manière, aujourd'hui, parfois, moi, je me dis "Ah bah non, moi, ça me gêne,
en fait, la manière dont l'actualité chaude est traitée".
Ouais. C'est quoi le ratio de ce genre de contenu par rapport à... Ma question est trop vague,
mais tu pourras préciser par type de radio ou par type de média en général. C'est quoi le ratio
de... Donc, typiquement, un BFM, c'est 100% d'actualité, c'est des 100% de trucs en boucle.
J'imagine qu'il y a quelque chose à l'opposé complètement. En général, tu remarques quoi ?
Est-ce que ceux qui font de l'actualité sont plus mis en avance, sont plus présents, sont plus...
Voilà. En gros, c'est ça ma question. Est-ce que c'est un problème majeur ? Parce que c'est le cas
de la plupart de ce qui est écouté, c'est ça. Ou est-ce qu'au contraire, finalement, on les voit
beaucoup et on en parle beaucoup, mais il y a quand même pas mal d'alternatives aussi ?
En fait, je pense que ça dépend. Pour moi, c'est plutôt des tranches horaires, c'est-à-dire,
en fait, tu as les matinales où là, en fait, les gens... Tu vois, c'est la période de ce qui est
le plus écouté, les gens dans leur voiture, sur le chemin. Et là, en fait, il faut donner de
l'info rapide. Voilà ce qui s'est passé. Donc, tu es sur du très court, sur de la chronique,
sur du débat de six minutes, sur... Tu vois, c'est très rapide. Et puis, en fait, dès que tu passes
neuf heures, tu vois, tu vas avoir des émissions qui sont beaucoup plus longues, avec des formats
qui sont beaucoup plus longs. De la même manière, tu vois, je pense que tu as des articles, moi,
ce que j'appelle... Tu vois, tu as des brèves sur plus de la news, sur du média en ligne ou autre,
où là, c'est... Tu relates les dernières infos, tu vois, mais de manière très courte. Et après,
tu vois, tu peux prendre le temps de traiter. Je ne peux pas te dire, parce qu'en plus, moi,
je vis dans mon propre silo de ma bulle de filtre, c'est-à-dire qu'il y a des sujets qui
m'intéressent particulièrement et j'adore les émissions qui durent une heure. J'aime beaucoup,
enfin voilà. Mais je regarde très peu la télé et ce n'est pas bien, parce qu'en fait, je sais
que je passe à côté de plein de choses. Il faudrait, tu vois, je me dis parfois, il faudrait
que je regarde Touche pas à mon poste, mais c'est vraiment dur, en fait, de se le coltiner. Mais
c'est important, je pense, en fait, de ne pas juste en parler en disant "oui, mais c'est naze".
Attends, c'est important pour toi en tant que journaliste, en tant que personne qui relaie,
en tant que... Oui, voilà, ce n'est pas important pour tout le monde de faire l'effort de tout tester.
Non, mais je pense qu'en fait, c'est important de se dire "OK, il y a des...". C'est énormément
suivi de comprendre, de regarder en fait ce que c'est, tu vois, de ne pas mettre des oeillères
en disant "ça n'existe pas, ça n'existe pas, ça n'existe pas". Ça existe, quoi. Et en fait,
ça raconte quelque chose sur la société. Enfin, tu vois, c'est... Et ouais, je pense que, tu vois,
il ne faut pas se moquer des gens qui regardent, mais ça m'interpelle.
J'ai cru que tu allais dire "il ne faut pas se moquer des gens qui regardent", mais quand même,
bon... Non, mais tu vois, ça m'interpelle. Et puis en fait, de dire... Tu vois, est-ce que,
en fait, ces émissions, elles existent parce que c'est ce que les gens, ils veulent ou c'est... Tu
vois, ou est-ce que, en fait, c'est parce qu'il y a une multiplication de ce type de format que
les gens, ils s'habituent au goût, tu vois ? C'est comme la télé-réalité, tu vois ? Enfin,
est-ce que, en fait, le truc de télé-réalité, est-ce que c'est parce que c'est les gens qui
aiment ? Avant, la première télé-réalité, il n'y en avait pas et les gens, ça allait, quoi. Et
puis après, il y en a eu. Et puis après, il y en a eu dix.
C'est pareil, ils étaient peut-être très malheureux. Ils disaient "il manque quelque
chose dans ma vie". Et c'est Loana qui a résolu le problème.
Non, mais parce qu'il va y avoir un truc sur Netflix, sur les coulisses de Love Story,
du premier truc de télé-réalité en France. Mais voilà, et en fait, c'est ça, c'est de se dire,
voilà, est-ce que c'est la responsabilité des médias aussi de ne pas proposer des trucs comme
ça, quoi ? Mais c'est comme, est-ce que ce n'est pas la responsabilité des médias de ne pas faire
des émissions politiques pas chiantes, quoi ? Enfin, chiantes plutôt, parce que parfois,
des formats, des émissions politiques qui durent quatre heures et demie avec un chrono où chacun,
en randonnion, prend la parole, ce n'est pas très intéressant non plus. Enfin, moi,
j'ai pu travailler dans l'innovation. Je me dis qu'il faut, tu vois, parfois,
il faut de l'innovation éditoriale, de manière d'amener d'autres sujets. Après, voilà,
parfois ça dérive. Il y a des dérives, c'est tout. Parce qu'on est sur un filon, on se dit "tiens,
je peux aller encore plus loin". À un moment donné, moi, je regardais il y a quelques années
TPMP, mais après, il y a juste un moment où t'es mal à l'aise. Enfin, moi, je suis devenue mal
à l'aise. Je me dis "on leur parle mal aux gens". Attends, rappelle-moi, c'est quoi TPMP ?
Touche pas à mon poste, Cyril Hanouna.
Ah, donc, ça s'appelle toujours pareil ?
Ouais, ouais.
D'accord. Quand tu parlais de l'émission de Cyril Hanouna qu'il fallait que tu regardes,
c'était celle-là ?
C'est ça, ouais, tu vois. Mais ça fait des années.
Oui, oui, j'ai bugué.
Non, mais ça fait des années, en fait, que je regarde plus. Parce qu'à un moment donné,
voilà, c'était devenu gênant. Mais je pense que, par contre, un journaliste, il est obligé de
regarder le monde qui l'entoure, tu vois. Et même si parfois, c'est désagréable.
D'accord.
Se mettre à la place de l'autre, interviewer des gens qui... Enfin, tu vois, moi, je trouve
ça hyper difficile, mais tu vois, par exemple, le racisme, mais aller écouter des gens qui
sont foncièrement... "De toute façon, moi, j'aime pas les Arabes" ou "j'aime pas..."
En fait, tu peux ne pas être d'accord, mais t'es obligé d'aller les écouter. C'est ton
travail, quoi, d'aller te frotter à ceux qui ont... Parce que toi, en fait, t'es pas là pour
avoir un point de vue. Toi, t'es là pour informer, t'es là pour relater. T'as pas le droit de dire
ça oui, ça non. T'as une ligne éditoriale, mais en tant que journaliste, même si après,
tu vas pas forcément le traiter, t'es obligé d'aller t'imprégner, tu vois, sur le que tu
parlais. Tu dois aller te frotter à d'autres univers. C'est indispensable, tu vois. Enfin,
c'est... Si tu veux pas être binaire, justement.
On en revient à un point assez essentiel, qu'on a peut-être pas assez abordé tout à l'heure,
qu'on a parlé. C'est, alors je le dis avec mes mots, mais c'est la question de l'objectivité.
Moi, c'est un truc qui revient beaucoup dans le principe de l'orientation, parce que je
pense que c'est une des questions que je me pose le plus. T'as dit, y'a pas de média,
je sais plus comment t'as dit, mais en gros, y'a pas de média complètement indépendant
ou y'a pas de journaliste complètement... T'as jamais objectif. Enfin, moi je pense
pas. Voilà. Et... Je sais pas si j'ai une question
bien spécifique par rapport à ça, mais... Le fait de... Ah, y'a plusieurs choses. En
fait, y'a plusieurs choses dont je voudrais te parler, et je sais pas par quel bout il
prend, donc je vais balancer et on va sortir ce qu'on veut.
On remet dans... Voilà, on range. Donc, y'a le côté objectivité, et y'a un
autre terme que t'as employé, c'est le terme de responsabilité. C'est peut-être deux
sujets un peu différents qu'il faudrait traiter l'un puis l'autre, mais je sais pas, j'ai
l'impression qu'ils viennent tous les deux. Est-ce qu'on a une responsabilité d'aller
écouter tout le monde, et après de faire le tri dans ce qu'on dit aux gens ? Est-ce
que c'est vraiment une responsabilité, ou est-ce que c'est une valeur que peut avoir
le journaliste ? Et après, est-ce qu'on a une responsabilité
d'essayer d'être le plus objectif, le plus impartial possible ? Ou est-ce qu'on est un
individu et qu'on peut dire ce qu'on veut ?
Je suis désolé, c'est un peu vaste ce dans quoi je te lance, mais je pense que c'est
vraiment essentiel, au-delà de la question de l'ère des réseaux sociaux, mais bien
sûr, on est liés à notre époque. Bon, y'a un autre truc qui me vient, mais je vais
pas embrouiller encore plus la discussion. Mais au-delà de la question de l'ère des
réseaux sociaux, la question de l'objectivité... Honnêtement, je pense que ça revient dans
quasiment tous les épisodes de Principe Mondial d'Anto. J'exagère peut-être un peu, mais
ça revient énormément, ça m'anime ces questions-là de l'objectivité, de la subjectivité, du
côté humain, du côté connaissance-vérité.
L'objectivité, encore une fois, ce n'est que mon point de vue. Je pense pas que ce
soit possible d'être 100% objectif. Parce que déjà, la preuve en est, c'est qu'un
média a une ligne éditoriale. Il fait un choix, déjà.
Alors, tiens, parle-moi un petit peu de ça. C'est quoi une ligne éditoriale ?
Parce que là, la définition...
Explique-le-moi comme tu le comprends.
C'est plus de se dire... C'est la manière, l'angle par lequel tu apprends de tes sujets.
Je trouve que c'est facile de le faire avec... Je ne sais pas si tu prends un reporter,
j'en sais rien, mais ils ont le prisme écologique pour la plupart de leurs sujets.
Donc, je ne sais pas si tu as...
Et donc, de fait, il y a des sujets qui vont écarter, qui peuvent pas être traités,
parce que c'est très compliqué de les traiter d'un point de vue écologique.
Je sais pas... La dernière innovation... Je pense à un truc, un soutien-gorge pour
les femmes qui halètent. C'est compliqué de... Tu vois, c'est difficile.
Tu pourras ? Si, OK. Il est fait à partir de matériaux.
Tu as un angle. Mais la ligne éditoriale... Je ne sais pas comment le dire.
Tu vois, nous, notre ligne éditoriale, c'est donner la parole à ceux qui font des choses,
ceux qui bougent sur des territoires, ceux qui font des choses,
ceux qui font des choses qui sont pas très bien.
Et puis, on fait pas trop sur le thème, tu vois, toujours innovation, science et...
Donc, typiquement, tu vires qui ?
En fait, on fait pas politique, tu vois. On pourrait, tu vois, mais par contre,
on ne fait pas trop, on ne traite pas le sujet politique.
Pourtant, en fait, on pourrait parler d'innovation.
Et puis, c'est surtout... Je sais pas, en fait, par exemple,
mais c'est sûrement un peu une erreur.
Un peu tradi qui fait son truc tranquillou depuis 50 ans, tu vois, parce que...
Attends, une erreur par rapport à votre lignée théoriale de base
ou une erreur parce que vous vous dites qu'on pourrait changer notre lignée éditoriale ?
Non, parce qu'en fait, finalement, on a un postulat qui dit qu'elle fait son petit truc depuis 50 ans.
Mais en fait, est-ce que faire la même chose depuis 50 ans, c'est pas ça, en fait.
Tu vois, l'innovation, c'est de tenir, tu vois, une manière de fonctionner.
Et c'est-à-dire peut-être que derrière, ils ont réussi à fédérer leurs équipes,
les faire monter en compétence pour faire perdurer un truc.
Il y a peut-être quelque chose dedans que tu vois pas en premier regard.
Voilà, on le creuse pas parce que peut-être qu'on va un peu vers la facilité ou des choses comme ça.
Et puis, après, il y a des pensées, des valeurs
qui font qu'on va avoir plus de facilité, on va avoir tendance naturellement.
En fait, je pense qu'on a tendance à aller naturellement vers certaines personnes, vers certains sujets.
Toujours ce truc de biais de confirmation.
Nous, sur du journalisme de solution, après, le journaliste, normalement, il doit aller chercher la contradiction.
Mais honnêtement, moi, j'ai quand même vu plein de trucs où la contradiction,
c'est pas rouge ou blanc ou noir, c'est genre blanc ou gris foncé, enfin tu vois, ou noir ou gris foncé.
Tu vas me dire, d'accord, c'est ça la contradiction.
Tu vois, t'es pas vraiment dans de la contradiction.
Tu es quelqu'un qui pense à peine...
Attends, je te coupe, excuse-moi, mais c'est quoi cette règle ?
Le journaliste doit aller chercher la contradiction ?
Il faut aller chercher la contradiction, c'est-à-dire que quand tu traites un sujet,
tu vas avoir quelqu'un, je sais pas, un agriculteur qui va parler, je sais pas,
vraiment, il y a trop de normes.
Là, ils sont en train de manifester en ce moment et que ça fait trop de paperasse et qu'ils s'en sortent pas.
Mais en fait, derrière, peut-être que tu vas aller te voir interviewer quelqu'un
qui explique pourquoi ces normes existent, quelle est la logique derrière ces normes,
pour expliquer qu'il n'y a pas juste trop de normes, il y a des normes parce que...
Et puis après, chacun se fait son idée en pensant, est-ce qu'il y en a trop ou est-ce que c'est nécessaire ?
C'est une règle journalistique ? C'est une règle d'écriture en général ?
Non, c'est la contradiction, c'est chercher la contradiction, c'est normalement le travail du journaliste.
D'accord. Il y a une sorte de... Comment dire ? Il y a une sorte de... Comment ça s'appelle ?
Ah bah ça y est, bon, je crois que je commence à être un peu naze parce que je retrouve moins mes mots.
De dix commandements, voilà, c'est ça. Est-ce qu'il y a une sorte de dix commandements du journaliste ?
Mais je pense que sûrement, mais en fait, moi je viens pas de ce monde-là.
Je suppose qu'on est à des principes de base, mais si tu veux, peut-être que ça, c'est un peu aussi ma personnalité.
Moi, j'ai toujours bien aimé faire les choses à ma manière.
Je comprends.
Et voilà, donc en fait, peut-être déjà les principes de base, ça m'énerve.
Les dix commandements, j'aurais envie d'aller le contre.
Là, tu m'as cité un truc, j'ai l'impression que c'est assez fondamental.
Quand tu l'as dit, ça semblait assez fondamental. Du coup, je me demandais si tu avais en tête d'autres choses du même type.
Enfin, il y a...
Oh là là, tu vois, il y a vérifier ses sources.
Tu vois, c'est hyper important.
Je sais pas, pour moi, c'est vraiment nous ce qu'on fait peut-être pas.
Tu vois, nous, on fait pas de contradictions dans le même contenu, c'est-à-dire qu'on met côte à côte des points de vue différents.
On fait pas de contradictions.
Parfois, on se dit "ouais, c'est vrai qu'on pourrait faire", mais en fait, c'est juste qu'on n'est que quatre.
Il y a un moment, ça prend vachement de temps.
C'est une organisation, c'est compliqué.
Il y en a d'autres qui le font peut-être très bien, mais quoi que, parce que je trouve qu'au niveau local, je sais pas s'il y a vraiment d'espace où on met la contradiction.
Moi, j'ai animé des... Encore une fois, je te disais, j'ai animé des débats et des conférences.
Mais en fait, les gens qui viennent, c'est parce qu'ils aiment bien cette personne-là et en fait, ils sont convaincus.
Et ceux qui n'aiment pas cette personne-là, ils ne viennent pas.
Donc, bon, c'est assez compliqué.
Mais ouais, sur les principes de base, il y a la rigueur, il y a une espèce de rigueur journalistique de vérifier aussi.
Il y a vérifier les sources et vérifier ce que les gens affirment également.
De dire, bah tu vois, checker les news, quoi.
Quand quelqu'un te dit, bah ouais, tu vois, moi, mon chiffre d'affaires a été divisé par deux depuis que je sais pas quoi.
En fait, tu vois, dans un sens, t'es censé vraiment vérifier ça.
Mais tout va tellement vite, en fait, c'est très particulier.
Par exemple, nous, on a pris le parti de faire relire les choses qu'on écrit.
D'accord.
Normalement, un journaliste te dit, bah non, t'es la personne que t'as interviewée.
Ah oui, relire par la personne qui est dans l'article.
Ouais, qui est dans l'article.
Nous, on le fait parce qu'on est dans un échange comme ça et que le but, c'est que la personne, elle soit pas, tu vois, nous ait dit peut-être des trucs en off,
mais qu'il faut qu'elle se sente libre d'aller au fond de son sujet et de vous relire.
C'est la possibilité de dire, bah non, mais en fait, ça, je te l'ai dit, mais vraiment, c'était comme ça parce qu'on discutait,
mais j'ai pas du tout envie de le voir écrit parce que je trouve qu'autrement,
enfin, l'une des fois où, tu vois, j'ai dit, je voulais faire relire, elle me dit, ah bah cool, comme ça, en fait, je pourrais vraiment dire ce que je pense.
Et en fait, tu vois, donc, il y a des personnes qui ont l'habitude de se faire interviewer, qui savent qu'elles vont pas relire et donc qui se contentent, en fait, de dire les trucs...
Ah oui, oui, d'accord, j'ai compris.
Tu vois, hyper, voilà, tu vois, plat.
Tu vois, c'est plat, c'est pas très sincère, c'est pas très personnel.
Moi, je préfère faire relire en sachant que faire relire, et tu peux commenter.
Moi, ça m'est déjà arrivé, la personne, tu sais, t'es là, non, mais t'es censé annoter, pas écrire ton article, tu vois.
Et de dire, même si ça m'a pris, en fait, une demi-journée de travail, de dire, bah désolé, en fait, non, on le publiera pas.
Tu veux pas, t'aimes pas la manière dont moi, je les retranscris, très bien, je diffuse pas.
Mais par contre, ton publi-reportage, ça, c'est non, tu vois, c'est pas possible.
Mais donc, voilà, donc, il y a ça, enfin, il y a des choses, mais encore une fois, moi, j'ai pas du tout fait d'école de journalisme.
Et donc, je pourrais pas te dire ce que c'est que les principes fondamentaux.
Mais par contre, nous, on a au sein du Connector nos principes fondamentaux de ne pas être dogmatique, vraiment.
On essaye de faire un vrai travail pour aller chercher des visions qui sont différentes, de donner la parole aux petits plutôt qu'aux grands.
Par exemple, sur un sujet, souvent, ça nous arrive, ah bah tiens, on va vous donner le contact du directeur.
Non, moi, je veux pas le directeur, moi, je veux le technicien, en fait, celui qui fait les choses, en fait, qui est au courant, pas celui qui va me donner les éléments de langage.
Je veux pas. Donc, les petits, on donne beaucoup la parole aussi à, par exemple, Papa, le chef d'entreprise qui a déjà reçu toutes ses récompenses et qui a eu ses 25 articles.
Le tout petit entrepreneur à qui on n'a jamais donné la parole parce que c'est un bébé projet qui ressemble encore à rien, qui n'a pas de modèle économique.
On va donner la parole. Donc, on est beaucoup là-dessus.
Et notre autre valeur, c'est qu'on n'est pas assez nombreux sur le territoire pour faire les mêmes choses.
C'est-à-dire qu'on va couvrir des événements que les autres médias ne couvrent pas.
Les gros événements, on ne les couvre pas. On se dit que les gens y trouveront l'information ailleurs.
Il y aura d'autres médias qui le feront. Et on va plutôt aller sur des événements où on sait que la niche est un peu trop technique.
Et après, on fait un travail de vulgarisation, de médiation.
Mais donc, on va aller là où les sociétés ne nous vont pas parce qu'il n'y a pas assez de ressources sur le territoire pour qu'on fasse tous la même chose et qu'on délaisse toute une partie.
Qu'on ne prête pas attention parce qu'il y a des sujets qui sont vraiment passionnants.
Là, il y en a un demain ou après-demain sur la conquête spatiale en Europe.
C'est un ancien général. C'est un truc qui va être très, très technique.
Je ne pense pas qu'il y aura de médias. Je ne pense pas qu'il y aura La Montagne, je ne pense pas qu'il y aura Bref&Co, je ne pense pas qu'il y aura France 3 non plus.
On va y aller, mais on va essayer de faire une interview après pour essayer de simplifier en trois mots ce qu'on parlait de quoi aujourd'hui.
Parce qu'en fait, ça demande de l'énergie d'organiser ce genre d'événements.
C'est des gens hyper calés dans leur domaine, des vrais experts. Mais le sujet, déjà, la communication fait que ce n'est pas largement diffusé, cette information-là.
Donc, les gens ne sont pas au courant. Ils le découvrent après. Et trop niche, tu vois, pour intéresser un média généraliste.
Donc, nous, on va un peu sur ces sujets un peu techniques et on essaye de les rendre digestes.
Le fait d'aller là où les autres médias ne vont pas et donc de ne pas aller sur les gros événements, les trucs très populaires.
Est-ce que tu penses d'un point de vue... Parce que c'est au cœur du sujet, ce que je vais te dire.
Est-ce que tu penses que d'un point de vue financier, comptable, argent, est-ce que tu penses que c'est un avantage ou un inconvénient ?
Je pense que c'est un avantage parce qu'on est un média associatif, on a une partie prestation où on fait de la création de contenu,
on fait de la captation, on fait de la synthèse, on fait de l'animation, on fait de la modération.
Et finalement, souvent quand on va sur ce genre d'événements, ce genre de structure, parfois, ils organisent des événements jamais de leur vie.
Ils n'ont eu aucun retour média sur ces événements.
Et le fait d'y aller une première fois, ça les rend visibles.
Elles ont des retours, les gens disent "c'était vachement sympa", elles peuvent mettre ça sur leur site internet.
Et en fait, elles se rendent compte de la valeur de faire savoir ce qu'on fait.
Et après, on a des collaborations.
Souvent, ce qui nous est arrivé, on disait "c'était hyper sympa le reportage que vous avez fait, on va refaire une table ronde,
on va refaire la même chose. Est-ce que vous pourriez animer ?
Et puis, peut-être parce que nous, on est bien les petits.
Et puis, parce que peut-être que les gros, ils ont déjà un peu leur réseau.
Et donc, au contraire, on rencontre des gens complètement incroyables.
Justement, moi, j'adore écrire, faire un entretien sur un gars ou une femme, mais expert dans son domaine,
qui n'a jamais eu rien d'écrit sur cette personne.
Et ce qui fait qu'on a des super stats, nous, dans nos analytics.
Parce que quand tu tapes son nom, il n'y a que nous qui ressortons.
Il n'y a que nous qui sommes intéressés à cette personne, qui a un parcours complètement incroyable,
mais sur un sujet tellement de pointe qu'il n'y a jamais eu la place pour parler de ce qu'il faisait.
Et c'est sur ce genre d'événements que, généralement, on croise des profils super.
Moi, complètement incroyable.
C'est vraiment intéressant parce qu'à un moment, dans ce que tu disais,
moi, en tout cas, donc je m'imagine que je ne serai pas le seul,
on peut entendre que ce que vous faites, c'est une sorte de mission d'intérêt général.
Il y a de ça, je pense qu'il y a de ça.
Mais là, tu viens de décrire que ce n'est pas que ça.
Ce n'est pas que ça parce que vous, vous y trouvez votre compte.
Parce que tu me donnes ton avis, mais j'imagine que tu parles un petit peu pour vous quatre.
Vous vous éclatez à rencontrer des gens qui sont originaux, dans le très bon sens du terme.
Donc, deuxième avantage.
Troisième avantage, tu me dis d'aller voir des petits, après ça rapporte du business.
Donc, ça fait du travail supplémentaire, pas des revenus supplémentaires directement
parce que vous allez faire plus de pub ou parce que vous allez faire plus d'abonnements,
comme parler des modèles économiques.
Mais le troisième modèle économique possible, celui qui vous fait vivre le plus, d'ailleurs,
les prestations.
Ah ben, enfin, à 90%.
Ah oui, voilà, oui, d'accord, donc c'est énorme.
Donc, voilà, donc en fait, tu vous y trouves votre compte, un peu à tous les niveaux.
Et je trouve ça assez inspirant.
Parce que c'est vrai qu'on a vite fait de se dire, et puis moi je pourrais faire pareil,
principe fondamental, on a vite fait de se dire, il faut des vues.
Si je veux commencer à en vivre un jour, il faut des vues et voilà, ça arrête là.
Mais ça permet de prendre du recul aussi, ce que tu dis, en disant, bon, effectivement,
moi, tu vois, quand je reçois des gens un peu plus connus, en termes de stats, ça aide.
Ça fait pas tout, loin de là, mais ça peut aider en tout cas.
Mais même, tu vois, même si le podcast grossit, je ne compte pas abandonner les petits,
comme tu disais tout à l'heure.
Mais voilà, je trouve que c'est très intéressant parce que peut-être que les gens qui sont
arrivés là, sur cet épisode, ils se sont dit, oui, effectivement, le but, quand on
est un média aujourd'hui, c'est de faire du sensationnel pour faire des clics, pour
faire des revenus et pour pas fermer.
Toi, tu es en train d'expliquer qu'il peut y avoir autre chose.
Il peut y avoir autre chose et je pense que vraiment, si on regarde les adhérents du
Spill, Spill, presse en ligne, de la presse indépendante en ligne, il y a beaucoup.
En fait, c'est un peu le problème.
On te dit, c'est un métier passion, etc.
Parce que soyons clairs, on serait munaire, mais mal.
Parce que finalement, on va dire que 60% de notre activité, c'est la partie média
qui est gratuite et on doit générer 190% de notre chiffre d'affaires sur les 40%
du temps restant.
Donc, ça fait un peu de boulot derrière.
Mais par contre, avec Véronique, avec ceci, on disait, si on n'aimait pas ce qu'on
faisait, on aurait abandonné depuis longtemps.
Vu la charge de travail et les grands écarts intellectuels que ça demande de faire.
Parce que le matin, vous êtes là en train d'animer une table ronde sur les réseaux
de chaleur.
L'après-midi, vous animez un atelier sur comment mieux se parler entre acteurs de la
jeunesse.
Et puis le soir, vous devez écrire un article sur le court-métrage.
Enfin, il faut se mettre dedans.
C'est épuisant.
On aime beaucoup ce qu'on fait.
On travaille le soir, les week-ends.
Mais par contre, on aime vraiment ce qu'on fait.
Et il y a beaucoup, en fait, tous ces médias en ligne qui se créent.
C'est qu'à la base, ça part d'une passion.
Et derrière, après, on cherche un modèle économique pour pouvoir vivre de sa passion.
C'est vraiment ça.
Et souvent, la prestation, parce que prestation, c'était hyper mal vu.
Parce qu'on disait, mais vous êtes une agence.
Franchement, moi, tous les médias en ligne que je vois, ils ont tous le studio, le machin,
le truc.
Ils font tous de la presta parce que...
En marque blanche, en gros ?
Oui, en fait, ils le font en marque blanche.
Nous, on a très peu de contenus qui sont sponsorisés.
Par contre, on l'écrit en gros.
On fait des dossiers spéciaux sponsorisés.
Mais avec...
C'est l'entreprise, la structure, en fait, qui nous donne les noms des personnes qu'elles
aimeraient voir interviewer.
Mais par contre, après, c'est quand même nous qui...
On écrit le truc, quoi.
On a carte blanche, on pose nos questions, on diffuse ce qu'on veut.
Ils ne repassent pas derrière.
C'est celui qui a été intervievé qui repasse derrière.
On l'envoie en disant "voilà ce qui a été dit".
Mais voilà, il n'y a pas de retouche publi-reportage.
De la personne qui paye ?
Voilà, de la personne qui paye.
Et elle a son petit logo en disant...
Mais c'est tout.
Mais non, mais après, c'est vraiment dur.
Et franchement, moi, j'ai une activité à côté pour rajouter du complément de revenu.
Je donne des cours à côté parce qu'en fait, c'est très compliqué.
Et beaucoup de journalistes ont des activités parallèles, parce que c'est hyper dur de
vivre de ça entièrement aujourd'hui.
C'est hyper compliqué.
À part si tu es salarié.
Nous, on est salarié, mais on est aussi chef de...
Donc, on ne se dit pas "cool, le salaire tombe tous les mois".
Non, on sait bien ce qu'il faut rentrer pour que le salaire tombe tous les mois.
Franchement, c'est une aventure, mais c'est vraiment pas facile.
C'est pas facile et on n'a pas beaucoup de soutien.
Il n'y a pas d'aide.
Oui, tu as dit 5 à 10 % de votre...
Le soutien au fonds de médias de proximité.
Oui, c'est ça, c'est le soutien aux médias de proximité.
Mais c'est une demande qu'on refait chaque année, qu'on n'est pas sûr d'avoir.
Vous ne comptez pas trop dessus, quoi.
Et puis, c'est que 10 %, quoi.
C'est pas mal, c'est mieux que rien.
Mais par contre, voilà, il y a des associations qui fonctionnent que sur de la sub.
Il n'y a pas ça pour les médias.
Il y a très peu d'appels à projets pour les médias.
Il y a des résidences de journalistes qui se font, où ils vont faire des animations dans les médiathèques, des choses comme ça.
Mais ça, c'est pour du journaliste indépendant, c'est pas pour un média.
Donc, oui, non, c'est...
Et donc, beaucoup de journalistes font de la com'.
Parce qu'en fait, le ratio entre se faire payer pour écrire un article...
Enfin, on est payé parfois jusqu'à quatre fois plus.
C'est tellement mal payé, en fait, des petits articles comme ça, médias.
Enfin, voilà, on a beaucoup qui, au bout d'un moment, se disent "bon non, mais j'arrête maintenant, je vais faire que des articles pour des entreprises".
C'est beaucoup mieux payé.
Oui, c'est mal payé parce qu'il y a un problème de départ.
C'est de plus en plus dur de faire rentrer de l'argent dans les médias.
Ou parce qu'il y a une sorte de cartel, qui fait que peut-être que les médias s'entendent entre eux.
Et puis, du coup, ils font leur marge aussi là-dessus.
C'est intéressant d'aller regarder Paye Tapige.
C'est un site qui...
C'est les journalistes, en fait, qui mettent eux combien ils sont payés.
En gros, voilà, j'ai pigé pour... Ils ne disent pas leur nom.
Pour, je ne sais pas, Le Monde, c'est 75 euros le feuillet.
Ah bah moi, tiens, reporter, c'est 50 euros le feuillet.
Donc, ça dépend.
Mais moi, je vois des trucs, par exemple, des forfaits journée.
Journaliste, reporter d'image, vidéaste, 160 euros la journée.
Enfin, ça me semble quand même très peu.
Enfin, revenu sur une heure, si on met ça...
C'est rien.
Et ce n'est pas un salaire.
C'est hyper compliqué, la pige.
Ça peut être du salaire, ça peut être de l'auto-entrepreneur de plus en plus.
Franchement, Sonia Rennes du Club de la Presse est hyper pointue.
Parce qu'elle est syndiquée et elle a le guide du pigiste.
Elle nous a fait toute une présentation sur comment fonctionne la pige.
Mais c'est hyper compliqué.
C'est un truc que tu...
À partir du 3...
Que tu collabores trois fois avec le même média,
de fait, en fait, tu es en CDI.
Mais c'est un CDI vide d'argent.
Et en fait, ils sont censés te donner du travail.
Et en fait, s'ils ne t'en donnent pas,
tu dois prouver qu'ils ont pris quelqu'un d'autre
pour faire cet article que toi, tu aurais pu faire
parce que tu en avais fait un.
C'est des trucs...
Et donc, de plus en plus, ils demandent en auto-entrepreneur.
Mais pour les auto-entrepreneurs,
tu n'as pas de couverture, tu n'as pas de machin, tu n'as pas de truc.
Et donc, tu as une précarisation des journalistes.
C'est de plus en plus compliqué.
En plus, tu as l'arrivée de l'intelligence artificielle.
Donc, j'imagine que d'ici peu,
on va te demander de produire plus
parce que tu vas être aidé, tu vois, un peu dans ta rédaction.
Donc, en fait, tu vois, ton article, il va avoir moins de valeur.
Il faudra en produire deux fois plus.
Tu ne vas pas être mieux payé ou tu ne vas pas avoir plus de temps libre.
C'est juste qu'il faudra produire plus.
J'ai l'impression que ça va être toujours plus vite.
Plus, plus, plus, plus.
Parce que tu auras toujours des gens
qui proposeront leur service pour moins cher.
Qui acceptent.
Parce qu'en fait, quand tu ne connais rien à la pige,
moi j'ai essayé, mais en fait, ça demande énormément de temps
pour arriver à rentrer.
On te propose un truc, c'est la première fois, tu es hyper content.
Tu dis oui.
En fait, tu n'en sais rien.
Tu n'en sais rien.
Donc, oui, non, c'est...
On dit que ça fait partie des métiers passion.
À chaque fois qu'on te dit que c'est un métier passion,
tu sais que tu es mal payé.
C'est une sorte de base.
Chaque fois qu'on te dit aussi que tu es rattaché au ministère de la culture,
tu sais que tu es mal payé.
Parce que donc, on est rattaché au ministère de la culture.
Bon, est-ce que...
Est-ce que tu as des pistes ?
Est-ce que tu as de l'optimisme à nous partager
par rapport à ce grand sujet-là dont on parle depuis un moment ?
J'ai l'impression que sur plein de sujets,
on est à un carrefour.
On est à un croisement.
Tu vois, en fait, il y a comme...
Tu sens qu'il y a deux mouvements un peu contraires.
Il y a des gens qui se disent "Waouh, stop, attends, où est-ce qu'on va ?"
Et il y a une espèce de force, tu vois,
qui pousse le "toujours plus",
ce "on continue",
"allons toujours plus loin".
Et un peu...
Ouais, on est à un carrefour.
Je suis plutôt du genre à avoir le verre à moitié plein.
Je suis vraiment quelqu'un d'optimiste à la base.
Mais je suis aussi réaliste.
Et je me dis, en fait,
quand même connaissant la nature humaine,
j'ai plutôt l'impression qu'on a une tendance à faire des mauvais choix
que des bons.
Et je me dis pas "Tiens, demain,
la place du journaliste va redevenir celle que c'était avant".
C'est pas du tout... C'est pas possible.
Je pense que les médias sont en danger.
Ça va pas s'arrêter,
il y aura d'autres choses qui viendront.
Mais je sais pas si c'est pour le mieux.
Mais c'est comme pour tout.
Aujourd'hui, on a des enjeux au niveau écologique et sociétaux.
Il y a des solutions qui vont arriver.
Mais je sais pas si elles seront à la hauteur.
C'est plutôt ça.
On est plutôt sur des petits pas.
Il faudrait en faire des plus grands.
Après, moi, je suis optimiste sur l'humanité.
C'est ça.
C'est-à-dire, il faut pas sauver les hommes,
il faut sauver l'humanité.
Et quand j'interview toutes ces personnes
qui sont passionnées par ce qu'elles font,
mais qui y croient,
je me dis "Peut-être qu'on va droit dans le mur,
peut-être qu'on fait plein d'erreurs,
mais tant qu'il y a des gens comme ça,
il y a d'espoir".
Et donc, c'est ça.
C'est-à-dire qu'il faut continuer,
garder espoir et surtout,
ne jamais oublier qu'il y a des gens merveilleux
de partout qui font des choses incroyables.
Et parfois, on pointe plus du doigt
ceux qui font des mauvaises choses
que ceux qui font des bonnes choses.
Mais partout, tout le temps,
partout autour de nous,
il y a des gens qui font vraiment des choses bien.
Et je pense que le journalisme de solution
va se développer, par contre,
parce que je crois vraiment,
parce qu'il y a une saturation
et parce qu'on a besoin d'espoir
de plus en plus.
Et je pense que le journalisme de solution,
je crois que c'est un truc qui s'appelle
le média positif,
il y a eu plein de tentatives de médias optimistes
qui ont essayé, qui n'ont pas fonctionné.
Je crois que le média positif,
lui, ça marche.
Je pense qu'il y a de la place maintenant
pour ce type de journalisme.
Et c'est ça qui me donne espoir,
pour moi, de mon point de vue.
Tu penses que le toujours plus
de s'appuyer sur...
Je ne sais pas si tu les as en tête,
mais il y a certains sentiments
qui font réagir
et d'autres qui font...
Il y en a qui font agir
et d'autres qui font se renfermer.
Et en gros,
les médias doivent éviter,
pour avoir des clics,
pour avoir des revenus publicitaires notamment,
et pour être connus,
ils doivent éviter de créer...
Je ne me rappelle plus lesquels c'est.
Je me rappelle très bien de la colère.
La colère, c'est un sentiment qu'il faut créer
parce que ça fait réagir les gens,
ça fait agir les gens.
Je ne sais plus ce qu'il y avait.
Je crois que la tristesse, par contre,
il faut éviter.
Et à l'opposé,
il doit y avoir des sentiments positifs
qui font plus réagir que d'autres aussi.
Mais je ne me rappelle plus lesquels.
Peu importe.
Tu penses qu'on va arriver à un point
où on aura tellement tiré sur la corde
de faire plus de colère,
plus de colère, plus de colère, notamment,
qu'au bout d'un moment,
même si on est guidé par ça
au fond de nous,
peut-être que ça marchera moins bien
ou peut-être qu'il y aura tellement de concurrence
entre ces types de médias
que ça va un peu s'écrouler aussi
et qu'on va aller vers du positif
grâce à ça ?
Non, je ne pense pas à ça.
Je pense qu'il va y avoir...
J'avais assisté à une super conférence,
c'était sur la transition écologique
et elle disait justement
qu'il y a des choses qui freinent l'action.
Et il y avait, en fait, justement,
c'est si tu ne pointes du doigt
que les problèmes
et que tu n'apportes pas des pistes
pour avancer,
ça génère un sentiment d'impuissance.
Oui.
La marche est trop haute,
ça ne sert à rien,
on ne va pas y arriver.
Et donc, tu as un mouvement contraire,
qui t'a crevé,
autant le faire à fond, quoi.
Et du coup, allez,
le SUV, le machin,
et plus rien à foutre du reste
parce qu'on est foutus.
Et je pense qu'en fait,
ça va être ça.
Là, par exemple, les médias,
il y a eu une vraie prise de conscience
sur les enjeux écologiques
qui n'étaient pas du tout traités
il y a quelques années.
Et il y a eu des tribunes
qui ont été faites,
c'est rentré dans les lignes éditoriales.
On en parle beaucoup,
beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup.
Ça a pu être traité parfois
de façon dramatique.
Le changement climatique,
60% de la biodiversité
en train de disparaître.
C'est bien les constats,
mais tu ne peux pas rester
sur des constats.
Et donc, après, tu dois amener
des pistes de solutions
et de montrer que sur ces nouveaux enjeux,
sur ces nouveaux sujets,
il y a des gens qui se bougent.
Parce que c'est ça, en fait,
qui donne de l'espoir.
C'est dire "ah ouais, il y a des gens
qui le font et du coup, c'est possible".
C'est un petit peu le moteur.
Là, il y a la Convention des entreprises
pour le climat.
Ils font des grandes...
Là, c'est la salle du Massif central.
C'est des entreprises qui payent,
qui acceptent de basculer
dans un modèle économique régénératif,
de changer, en fait,
leur mode de fonctionnement.
Et donc, elles sont là,
accompagnées par une structure,
par un processus d'accompagnement
et de transformation sur plusieurs mois.
Mais derrière ça, en fait,
c'est montrer des exemples,
donner...
Et en fait, je pense qu'il va y avoir ça.
C'est-à-dire que, ok, il y a le constat,
en fait, c'est la catastrophe.
Et il va y avoir...
Tu vois, il y a ces formats
"La France qui bouge"
ou "Les nizos d'innovation",
des machins.
En fait, il va y avoir besoin de ça,
de ce genre de...
Parce que c'est...
On n'est pas sur les 30 glorieuses,
quand même.
Et les gens sont conscients
que ça ne va pas aller forcément mieux.
Et donc, je pense qu'il y a
une prise de conscience aussi
de la part des médias.
C'est que tu ne peux pas faire
broyer du noir continuellement
aux gens parce qu'ils vont
se désespérer.
Et qu'est-ce qu'on fait ?
Phénomène de repli,
communautarisme, immobilisme.
Enfin, tu vois.
Et donc, je pense qu'il va y avoir
quand même ce truc qui fait
qu'à un moment, on va montrer
qu'il y a des choses qui se passent.
C'est peut-être des petites graines,
mais en fait, c'est important
de dire qu'il y a des graines
qui sont en train d'être plantées
et que ce que tu ne vois pas
aujourd'hui, c'est quand même...
Il se passe des choses
et qu'on verra des résultats
d'ici 10, 15, 20 ans.
Mais voilà.
Alors, je t'ai dit qu'il y avait
un sujet qui revenait tout le temps
dans le Principe fondamental,
c'était la question de l'objectivité
par rapport à la subjectivité.
L'autre grand sujet,
grande échelle, on va dire.
Parce que tu vois, objectivité,
subjectivité, on peut imaginer
un extrême dans un sens
et un extrême dans l'autre.
C'est la question du temps court
et du temps long.
C'est la question de
est-ce qu'on agit pour notre plaisir
ou notre bien-être tout de suite,
les 10 prochaines minutes,
ou est-ce qu'on se projette
10 ans dans le futur,
voire...
Mais déjà, 10 ans dans le futur,
ça pourrait s'être pas mal.
Et là, tu soulèves ça encore.
Quand tu dis "les médias
vont peut-être chercher
à éviter d'abreuver
de négativité en permanence",
ouais, mais certains, peut-être,
qui auront une vision long terme,
alors que d'autres
vont chercher à maximiser le profit.
Et la question, c'est à l'échelle globale,
qu'est-ce qui va se passer ?
Est-ce qu'il y en aura plus
qui vont avoir ce genre de valeur
et travailler sur le long terme
et voir les choses comme ça ?
Ou au contraire,
est-ce que c'est l'appât du gain
qui va prévaloir ?
Est-ce que c'est des questions
générationnelles aussi ?
C'est un truc qui semble ressortir.
Donc, nous, on ne fait plus partie
des très jeunes maintenant.
Il y a des générations plus jeunes
que nous qui semblent
être différentes.
C'est marrant, mais en fait,
je vais donner un exemple
qui semble n'avoir rien à voir,
mais qui quand même peut avoir.
Moi, j'ai beaucoup du mal à épargner
parce qu'en fait, pour moi,
épargner, c'est sacrifier,
tu vois, le aujourd'hui pour le demain
qui est un peu incertain.
Et j'ai eu la chance,
dans l'espace de coworking
dans lequel j'étais,
de tomber sur un conseiller patrimoine
pour particulier.
Et en fait, c'est la manière
dont tu présentes les choses.
Et en fait, lui, il me disait,
mais on n'est pas...
Épargner pour épargner,
tu vois, ça n'a aucun intérêt.
Se sacrifier aujourd'hui
pour se sacrifier,
ça n'a aucun intérêt.
En fait, on se sacrifie
pour quelque chose,
on épargne pour quelque chose.
Pourtant, il est suivi dans dix ans !
Non, mais donc, il me posait
des questions sur, voilà,
qu'est-ce qui était important
pour moi sur le cours,
le moyen, le long terme ?
Et en fait, ça te trace une route.
Et il disait, ben en fait,
il faut voir ton épargne,
c'est des enveloppes pour faire
des trucs pour plus tard.
Et le problème, tu vois,
de l'immédiateté de l'information
aujourd'hui, c'est qu'en fait,
on va te dire, ben,
il y a la loi, machin,
qui se passe,
et c'est plein de faits,
ou d'informations
qui sont mises bout à bout.
Mais il n'y a pas de vision globale.
C'est super dur, en fait,
de voir pourquoi les choses,
elles sont faites de cette manière.
Où est-ce qu'on va ?
C'est quoi la direction qu'on prend ?
Et c'est pour ça, en fait,
que les gens aujourd'hui,
ils sont mal, parce qu'on leur
demande de se sacrifier.
Les médias te parlent de toutes
les choses qui vont mal,
de toutes les choses qui vont
devoir changer,
de tous les problèmes, en fait.
Mais on ne te propose pas
de solution.
On ne te raconte pas,
on ne te raconte pas d'histoire.
C'est juste, tous les jours,
tu prends ton lot de sujets
en plein dans la face.
Et il y a très peu de place,
en fait, pour l'espoir.
Il y a des petites émissions
comme ça, là, c'est l'heure
de l'espoir, tu vois.
Et je pense que c'est
vraiment problématique,
parce que, en fait,
et donc ce truc du temps court
et du temps long,
il faut un effet...
Mais il y a, en fait,
ça existe encore une fois,
mais il y a l'actualité chaude
et après, il y a le temps long.
Mais je pense qu'aujourd'hui,
et c'est peut-être un peu
un problème, c'est que le...
On parle du monde
politico-médiatique,
c'est-à-dire qu'en fait,
on est quand même sur le
moment où on a un peu
des choses qui sont
très politiques,