#40 : Cédric Villani – le fédéralisme et la synthèse
Cet épisode est très particulier !
Avant de commencer le podcast, j'avais trois noms d'invités rêvés sur une toute petite liste. En voici un !
J'ai pu enregistrer cet épisode en face à face en profitant de ses multiples venues à Clermont-Ferrand pour parler du local Blaise Pascal dont nous fêtons en 2023 les 400 ans.
Cet invité est lauréat de la médaille Fields, l'équivalent mathématique du Prix Nobel des autres sciences. Il est également enseignant, auteur de plusieurs livres et ancien député.
L'idée de départ était de parler ensemble de la relation entre sciences et politique. Mais ses premières réponses et ma curiosité nous ont entrainé dans une direction légèrement différente.
Nous avons donc discuté de fédéralisme, de la recherche de la simplicité, de son travail de synthèse en maths et en politique, de la défiance croissante des français et d'écologie.
C'est parti pour mon échange avec Cédric Villani !
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La playlist des extraits sélectionnés dans cet épisode : à venir...
L'épisode au format texte
Si je me mets à expliquer ce qu'est le théorème ergodique, même si je suis super pédagogue, une partie de l'auditoire va être larguée, ou va détourner son attention de l'essentiel. L'essentiel, ça veut dire comprendre quelle est la façon dont les mathématiciens, mathématiciennes travaillent et communiquent entre eux pour se concentrer un instant sur l'accessoire. Et l'accessoire, c'est quelle est la définition. Donc il vaut mieux, il valait mieux que ces formules mathématiques, elles soient là. même dans une fonction quasiment poétique ou démonstrative, comme des runes d'une langue qu'on ne comprend pas dans un roman de Tolkien. Bon, ça y est, on enregistre. Cédric, merci d'être là en face de moi. Bonjour Alexandre. Ça fait un moment que je veux t'avoir sur mon podcast. En fait, ça fait tellement longtemps même que avant de commencer le podcast, j'avais trois invités. Je me suis dit si un jour je fais ce podcast-là, j'aurais trois invités à terme. Ce sera mon objectif. Et t'es un des trois, donc ça me fait très plaisir que tu sois là. J'ai envie de commencer par une question, quelque chose qui m'a marqué chez toi la première fois que je t'ai vu. Je t'ai vu à Montpellier pour une conférence que tu faisais à l'université de Montpellier, alors en 2012, a priori. Comme le temps passe ! Un petit peu, un petit peu. Je dis ça parce que j'ai ça dans ma bibliothèque, mon livre "Théorème vivant". Regarde ce que j'ai dedans. C'est à cette époque. Ah voilà, oui, oui, 9 novembre 2012. Voilà. Donc c'est pas moi qui l'ai dédicacé. La subilémie qui décide, qui parle d'entropie. Et donc, tu as dû le dédicacer à Brieves, chez toi. Oui, Brieves, c'était le Brieves maternital. Et ça, donc, c'était pour le... Ça devait être, oui, pour le festival de Brieves, le grand festival de littérature de Brieves, qui regroupe chaque année énormément de conférenciers venus du monde de l'écriture. Et comme les... D'ailleurs, comme les gens savaient que j'étais un local de l'État puisque l'Etat n'est abrive, j'ai eu une des journées de dédicaces les plus remplies de toute ma vie. Je me souviens de la douleur que j'avais dans les doigts au moment d'aller me coucher tellement j'avais passé d'heures et d'heures et d'heures et d'heures à signer et signer. Je me souviens aussi d'y avoir rencontré une de mes profs de... Une de mes profs de maternelle. Ah oui ? Une de mes institutrices de maternelle qui me montrait... Qui est venue me montrer un dessin que j'avais fait dans le temps. elle l'avait conservée, comme j'imagine, d'autres dessins de ses enfants. Donc 2012, tu vois, je reviens un petit peu dans le passé. Et ce qui m'a marqué chez toi lors de cette conférence, c'est que tu arrivais à faire quelque chose que peu de gens arrivent à faire. Tu arrivais à mélanger le fond et la forme. Alors, j'imagine que c'est pas la première fois que tu entends ça. J'ai toute ma ligne éditoriale, si on veut, ça, telle que je l'ai, telle que j'ai pratiqué avec cette idée qui, d'ailleurs, est très pascalienne pour rendre hommage aux philosophes scientifiques, entrepreneurs, savants dont nous fêtons les 400 ans cette année, très pascalien, cette idée qu'on ne peut pas véritablement toucher le fond sans atteindre d'abord la forme. - D'accord, il y a une chronologie, il y a un ordre. - D'abord, d'abord agir sur l'émotion, sur ce qui est sensible, sur ce qui se touche ou se ressent, avant de parler des idées. Ça c'est devenu classique. Les méthodes mathématiques qui marchent le mieux quand il s'agit d'enseigner, c'est celle qui commence par faire faire des manipulations, puis de la classification, donc touchant au langage, avant d'aller vers le concept. Ou dans n'importe quelle formation aujourd'hui de scientifique, face aux interviews, on explique commencer par une émotion, que ce soit du domaine du rire ou de la surprise ou de la colère ou de l'indignation, avant d'en venir à la forme, au concept, pardon, avant d'en venir au fond, avant d'en venir au concept que vous voulez faire passer. Ça, ça va à l'encontre de la formation du scientifique qui va toujours d'abord de la théorie vers les applications. Mais c'est bien ça quand on vous apprend, à juste titre. Et je me souviens même que Claude Vadel, le responsable de la formation que j'avais suivi dans le temps, il y a encore... ça devait être en 2009 ou 2008, une formation sur l'intellectuel face à l'interview, nous disait bien, nous parlait des travaux en sciences cognitives de Damasio, l'erreur de Descartes, erreur que de croire que la pensée a le prima sur ce qui est mécanique et sur ce qui est du domaine des sens, mais pour toucher la pensée, il faut passer par les sens. D'accord, donc c'est vraiment une volonté de ta part, c'est pas une surprise, on va dire, quand je te dis que j'avais remarqué ça d'entrée. Donc ma question, c'est en tant que scientifique à la base, est-ce que tu te considères comme scientifique à la base ou est-ce que tu avais déjà ce côté communiquant qui était présent tôt chez toi ? Moi je suis un enseignant. D'accord. Un enseignant. Le reste vient après et c'est ma partie d'avisme familial. Je suis un enseignant, fils d'enseignant. Et après, par-dessus la fonction d'enseignant, je suis chercheur, je suis conférencier, je suis engagé dans certaines affaires publiques, au niveau associatif, au niveau politique, au niveau citoyen, etc. Mais avant tout un enseignant. Et je pense qu'en tant que chercheur, mes plus belles réalisations sont des ouvrages de synthèse. Les moments où il a fallu faire la synthèse d'idées qui étaient dans l'air ou de travaux déjà existants, des ouvrages de référence ou des démonstrations qui viennent reprendre un nouveau point de vue par rapport à des choses déjà préexistantes. D'accord. Donc oui, pas encore une fois... Et toutes les fois que je me suis retrouvé arrêté, qu'il y avait une lassitude ou un blocage, quelque chose qui m'empêchait d'avancer, c'est par l'enseignement que je suis reparti. Ça a été rédigé un cours, ça a été préparé un ouvrage synthétique. Encore, dans ma vie, il y a au moins dix ouvrages de synthèse, de cours que j'ai eu envie d'écrire à un moment ou à un autre et qui ont jamais été bouclés. J'en terminerai certains. Il y a un cours sur la théorie de la mesure et l'analyse fonctionnelle qu'il faut absolument que je termine un jour. J'ai en tête depuis des années et des années un ouvrage de synthèse sur les équations de champs moyens. Il y a le moment où j'ai voulu me lancer dans une sorte d'abcdr synthétique sur les différentes facettes de ce ce que j'ai pu vivre. Ou à un moment, j'ai fait une sorte de mon livre après un an de politique en cœur métier, après un an de mandat de député. J'ai écrit un livre qui s'appelle "L'immersion", dont une grande partie est consacrée à une sorte de rapport d'étonnement et d'explication de ce que c'est que la vie politique en vrai. Qu'est-ce que c'est le travail dans l'émissie ? Qu'est-ce que c'est le travail d'amendement ? Qu'est-ce que c'est le travail technique ? Qu'est-ce que c'est la vie dans les partis ? Et ainsi de suite. Donc cette fonction d'écriture, d'ouvrage, de synthèse, c'est quelque chose qui est très profondément ancré en moi. Et Théorème vivant, c'est un objet spécial, objet littéraire non identifié, comme on dit un certain nombre de commentateurs, tellement inhabituel pour un ouvrage scientifique que l'éditeur, grâce à songer, a un moment indiqué roman sur la couverture, alors que pourtant, tout dedans est réel et autobiographique. Mais la forme est romanesque. Et puis, il y a beaucoup de références culturelles. Il y a un vrai... C'est à la fois un roman de Meurs sur comment c'est la vie dans le monde scientifique, une enquête policière à la recherche du théorème et où ce qui compte le plus, c'est pas de savoir que le théorème est vrai, mais de comprendre comment on l'a trouvé. Cette inversion qui a fait le succès d'une série comme Columbo, mais aussi, c'est un ouvrage qui rend hommage à la communauté scientifique dans toutes ses facettes, la facette sociale, dans la facette culturelle, en parlant aussi de nos références, ce qu'on dit, comment on parle, y compris les mots qu'on utilise, en chercher à les expliquer, mais avec la musique qui va avec, la sonorité, les émotions. Et donc tout ça, tout ce travail sur sur la forme, il était là pour faire passer non pas un message un message sur tel ou tel théorème important, mais un message sur la démarche scientifique. C'est quoi le cœur, comment ça se fait la recherche. C'est très important ça parce que quand on explique ce genre de choses, on touche le grand public, on touche beaucoup de gens, donc on a un impact qui va bien au-delà. Quand on parle d'un théorème très poussé comme ce que tu as démontré, tu vas t'adresser à moins de gens. Alors le but n'est pas le même, mais justement je pense que c'est important que quelqu'un comme toi, qui a eu un grand succès dans le domaine des maths, dans n'importe quel domaine scientifique d'ailleurs, puisse arriver à toucher ce public qui n'a pas accès, on va dire, à la pointe de ce que vous proposez. Et toucher c'est un bon mot, parce que toucher ça veut vraiment dire établir une relation. C'est avec le toucher qu'on augmente la confiance avec les gens dans une époque de défiance, est dans un pays de grande défiance, réputé et étudié par les sociologues pour sa défiance par rapport à d'autres pays, c'est important de travailler sur cette relation et ce lien. Et un citoyen, un gamin, un adulte qui vient assister à ma conférence, ils sont là, quelques mètres, ils écoutent, peuvent poser des questions, c'est comme s'ils me touchaient. Ils peuvent aussi serrer la main, prendre un selfie ou qui sait quoi. Contact est là. Même si quelques mois plus tard, ils ont oublié tout du fond, le contact est resté là. Plus tard, quand je me retrouve à un poste de responsabilité, que ce soit politique ou que ce soit scientifique, quand ils se retrouvent face à moi, ils peuvent se dire "ah, je me souviens, j'ai touché, j'étais en contact". Ça s'est bien passé ou mal passé, mais en tout cas le contact est là. Très important dans une époque de défiance où vous avez tellement de monde qui dit "je crois pas à ce qu'ils disent, je crois pas aux médias, je crois pas au Conseil scientifique, je crois pas à ce que disent telle ou telle politique, etc. Donc ce travail sur le contact et la proximité. Alors cet ouvrage-là, il s'est particulièrement bien vendu. De très très loin, c'est l'ouvrage. C'est l'ouvrage qui s'est le plus vendu. Il a dû se vendre en 300 000 exemplaires. Il y a eu 10 ou 12 éditions étrangères. Ça a été à chaque fois, toute une affaire, la traduction, parce qu'il y a la partie mathématique, la partie littéraire. Et ça a été une vraie aventure aussi, ce travail de publication. Le défi des traductions dans les langues asiatiques, les campagnes de promotion qui venaient avec, etc. Très intéressant dans la relation à la culture scientifique. Ça a fait un tabac en Grande-Bretagne et un flop aux États-Unis. deux pays de langues similaires, mais dont la relation avec la science et la figure de l'intellectuel est très différente. Ça a été aussi l'occasion de quantité de conférences, débats qui venaient dans la foulée. Ah oui, oui. Donc tu disais par rapport aux traductions, tu sais, il y a la partie langue et puis il y a la partie maths. La partie maths, on pourrait imaginer que C'est pas compliqué à traduire. Il y a des... je sais pas... En Asie, il y a des... Il y a des écritures qui diffèrent par exemple ? Ou est-ce qu'on est vraiment sur de l'universel ? Non, la partie vraiment mathématique, elle pose pas de problème. L'article, de toute façon, l'article à la fin est rédigé en anglais, y'a pas de souci. Et les formules, on écrit intégral, pareil au Japon ou au Kamchatka. Mais, dans le texte, y'a pas que ça. Comme c'est le processus d'élaboration qui est là, Il y a aussi toutes les étapes intermédiaires, les brouillons, les discussions, les mails qu'on échange entre nous. Et entre nous, quand on échange, c'est pas la forme bien polissée de l'article qui est soumis. C'est un mélange, un patois qui est un mélange de mots de la langue courante, détourné de leur sens. L'équation, la deuxième équation, elle réagit comme ceci. Il n'y a pas de définition précise du mot "réagit", mais nous c'est la façon dont on le comprend entre nous quand je discute avec mon collaborateur. ou sur le brouillon, comment est-ce qu'on va penser à telle ou telle chose, ou quand on va avoir des références. Donc là, ces choses intermédiaires, dans le contenu des courriels qu'on s'échange, dans nos discussions à bâton, c'est beaucoup plus dur à traduire. D'accord. Oui, donc là, tu parles de mathématiques, mais en utilisant du langage courant, et c'est ça qui est dur. Parce que entre nous, quand on parle de mathématiques, on ne s'échange pas les équations et les formules. On n'est pas dans ce film, cette scène grotesque d'un film de Hitchcock où on a les deux scientifiques qui sont censés échanger en s'écrivant des formules sur le tableau. Ce n'est pas comme ça qu'on fait. On dit "regarde, je vais te montrer, il y a un lème intéressant". On dit "non, tu reprends l'idée de untel, on rajoute untel". Là, non, c'est comme ça. Et puis, tu vois, ce terme là, il réagit avec celui-ci. Et celui-là, on va l'éliminer parce que ça, et là, on a ça qui reste et ça fait penser à ceci, etc. c'est quelque chose de beaucoup plus impressionniste. Et puis il y a des métaphores qui viennent avec, qui viennent soit du langage guerrier, on va détruire ça, détruire la difficulté ou la contourner, soit du langage architectural, on va construire tel étage par-dessus tel autre, on raccroche tel truc par tel tuyau et ainsi de suite. J'ai découvert après, et j'aurais pu me rendre compte, que ce procédé, consistant d'abord à montrer les coulisses, et ensuite à ne surtout pas chercher à expliquer les mots savants, Il avait déjà été employé un siècle avant moi par Henri Poincaré dans ses ouvrages de philosophie des sciences, de très bons ouvrages. Alors à moins grande échelle, lui c'était quelques pages ici et là, des textes célèbres, de très beaux textes sur l'intuition, sur la découverte mathématique. Mais il dit par exemple, voilà, je vais vous parler d'un certain théorème, ce théorème aura un nom barbare que vous ne comprendrez pas, mais c'est pas grave, cherchez pas à comprendre. Je ne suis pas là pour vous expliquer le cœur de ce qui est construit, mais les circonstances. Et il ne faut pas l'expliquer. Je vous parle de, je ne sais pas, il y a un théorème qui va parler d'entropie, de théorème ergodique. Si je me mets à expliquer ce qu'est le théorème ergodique, même si je suis super pédagogue, une partie de l'auditoire va être larguée ou va détourner son attention de l'essentiel. L'essentiel, ça veut dire comprendre quelle est la façon dont les mathématiciens, mathématiciennes travaillent et communiquent entre eux pour se concentrer un instant sur l'accessoire. et l'accessoire c'est qu'elle est la définition. Donc il vaut mieux, il valait mieux que ces formules mathématiques soient là, même dans une fonction quasiment poétique ou démonstrative, comme des runes d'une langue qu'on ne comprend pas dans un roman de Tolkien. Et d'ailleurs, c'est écrit de telle sorte et découpé de telle sorte par fragments que même un mathématicien aguerri a peu de chance de comprendre de quoi il s'agit. Et d'ailleurs, les seules personnes qui ont eu des vraies difficultés difficultés avec l'ouvrage sont ceux qui avaient un bagage mathématique suffisant pour qui croient qu'ils peuvent comprendre et qui sont acharnés à essayer de comprendre alors qu'ils ne s'étaient pas faits pour et qu'ils ne pouvaient pas. Pascal les aurait appelés des demi-habiles. Il aime bien ça. Ceux qui se croient savants, mais ne le sont pas vraiment et qui sont moins sages à la fois que ceux qui sont vraiment savants et que ceux qui ne le sont pas du tout parce que, voilà, ils ne sont pas au fait de leur propre capacité. D'accord. Bon, on a dit qu'ensemble, qu'on parlerait de la relation entre science et politique. Ça serait le sujet central de cette discussion. Et ça a été un des grands sujets de ma carrière. Eh oui, bien sûr, bien sûr. Il y a un terme que tu as employé, sur lequel j'aimerais revenir. Tu as parlé de la défiance, cette défiance qui était importante en France aujourd'hui. Est-ce que, dans ces études dont tu as parlé, est-ce qu'elle semble avoir augmenté ? Elle augmente. Il y a vraiment des travaux universitaires là-dessus, des gens comme Algan, Cahuc et quelques autres. Il y a toute une série de travaux dans lesquels il y a une comparaison des estimations de la défiance, selon différentes thèses, différentes expériences, des comparaisons d'un pays à l'autre, des comparaisons dans le temps, il y a des expériences sur des questionnaires, il y a ces expériences qui sont drôles dans lesquelles on perd un portefeuille dans une station de métro et on regarde en quelle proportion des cas le portefeuille revient. d'un pays à l'autre, ça varie beaucoup. Ce n'est pas la même chose dans les pays de culture latine, dans les pays de culture nordique, etc. Et ce qu'on constate à travers toutes les relations, c'est que non seulement la France est à un haut niveau de défiance, mais encore que ce niveau de défiance a tendance à augmenter. Et ils proposent même des mécanismes qui font que ça augmente mécaniquement, automatiquement, de par nos institutions. Le fait, par exemple, qu'on a des cases bien établies, des régimes de retraite différent, des différences entre le public, entre le privé, entre tel et tel corps, etc. Et que ça n'a fait qu'augmenter depuis la Seconde Guerre mondiale. Peut-être aussi les conditions initiales étaient très mauvaises. La Seconde Guerre mondiale s'est très mal passée, comme on sait. Et la France a été l'un des pays les plus compliqués du monde par rapport à sa position, son attitude pendant la Seconde Guerre mondiale. Il y avait déjà une très grande déchéance. C'est la peur d'être dénoncée, C'était les luttes intestines entre équipes de... Même entre équipes de résistance. C'était les... Les... Les personnes qui changeaient d'attitude. C'était les héros aussi, et certains qui ont été juste... Juste grandioses. C'était à la fois les dénonciations et les sacrifices. Bref, il y avait tout. Et ça, c'est... On se souvient, la France coupée en deux. Et il y a eu cette grande défiance dont on est parti, juste dans le contexte de l'après Seconde Guerre mondiale. Et depuis, cette défiance n'a fait qu'augmenter. C'est l'une des conclusions majeures de ces auteurs. Tu penses qu'on est encore marqué, donc combien bientôt, 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Est-ce que tu penses que nous, qui ne l'avons pas du tout connu, évidemment, est-ce que tu penses qu'on est marqué par cette période-là, de la même manière que, apparemment, les Américains sont encore marqués par l'esclavage des centaines d'années après qu'il soit terminé ? J'ai aucun doute là-dessus. Nous sommes encore marqués par la Seconde Guerre mondiale sans en avoir conscience. On le voit dans certains éléments de débat public, qui sont des sensibilités particulières qui se sont transmises. Par exemple, c'est quelque chose que j'ai bien connu à plusieurs reprises quand j'étais chargé de mission sur le thème de l'intelligence artificielle. La France a une sensibilité particulière avec les données personnelles, entre autres du fait de l'histoire du fichage ethnique pendant la Seconde Guerre mondiale et les lois antisémites de l'État français. Et la première fois qu'un interlocuteur américain m'a parlé de ça, je me suis dit mais il est fou, c'est pas quelque chose qui nous hante encore. Mais après des années, après avoir pu voir, revoir les phénomènes comparés, j'en suis arrivé à la conclusion que oui, c'est un sujet qui pèse encore, sans qu'on s'en rende compte, de façon légitime certainement. C'est quelque chose qui était tellement, tellement monstrueux qu'il ne s'agit pas de l'oublier. la mémoire doit en être préservée, mais ça continue à peser sur le débat public, sur nos réglementations, sur nos procédures. De la même façon que l'affaire du sang contaminé continue à peser sur les règlements qui sont dans les hôpitaux et parfois de manière contre-productive, avec des accumulations de protection qui ne servent à rien, sinon à se rajouter des couches de filet supplémentaires et inutiles, comme pour expier ce moment où des choses juste inacceptables ont été par manque de prudence. Ce que tu soulèves là, la simplicité dans plein de domaines, là tu parles de contenu réglementaire on va dire, est-ce que c'est quelque chose que tu recherches ? Alors j'imagine qu'en tant que mathématicien c'est le cas, c'était le cas, voilà. Est-ce que globalement dans ta vie c'est quelque chose que tu recherches ? Je vais pas dire que je recherche systématiquement la simplicité parce que sinon, ça voudrait dire que j'ai sacrément échoué, vu les complexités dans lesquelles je me suis toujours fourré en matière de responsabilité, en matière de cadre de vie. Enfin, toute ma vie, ça a été comme si je cherchais à me fourrer dans les situations les plus compliquées possibles. Mais ça a toujours été... Il n'y a pas forcément de contradictions tant que ça, ça a toujours été une sorte de tentative à la fois d'assimiler beaucoup de choses dans des contextes variés et complexes et de les transformer en choses, tâcher de les simplifier ou les synthétiser. Aujourd'hui par exemple, entre plein de casquettes, tous les mois j'écris une tribune pour le magazine In Corsica, ça va bien avec le fait que j'ai entre autres du sang corse, et cette tribune c'est l'occasion pour moi de faire un point ou une synthèse sur quelque chose qui me tient à cœur. Parfois, je parle de Blaise Pascal ou je parle de la science russe à l'orée du moment où la Russie entre en guerre contre l'Ukraine, ou je parle des rapports entre la science et l'écologie, ou je parle de la façon dont la recherche doit s'adapter en période de crise écologique, ou je parle encore de Napoléon et les rapports de Napoléon à la science, quand la question c'est est-ce qu'on célèbre Napoléon ou pas, etc. Et donc sans arrêt, je me nourris, je tâche de me nourrir de sources aussi diverses et variées que possible et d'en extraire des choses qui s'apparentent à des synthèses. Cette année c'est Blaise Pascal. Alors, dès que j'ai plus eu sur les bras la charge de député, tout de suite mon emploi du temps s'est bien rerempli parce que j'avais mes cours d'université, d'université à refaire, mais je me suis mis à cheval entre un poste à l'IHES à Bure-sur-Yvette et mon poste de référence de professeur à l'Université Lyon 1. Et puis, j'ai préparé un nouveau cours sur des... pour l'université, ce qui s'appelait "Mathématiques des écosystèmes", sur un thème que je n'avais jamais enseigné. Donc, ça a été toute une affaire, trouver les sources, de les digérer, de voir quels... qu'on pouvait avoir en tirer comme sujet d'exposé, etc. J'ai choisi pour mon cours principal d'enseigner un théorème particulièrement complexe, dont la démonstration a mis une cinquantaine d'années avant de se stabiliser, le théorème de Landford sur l'émergence des lois de la physique statistique à partir des dynamiques moléculaires. J'ai pris une présidence d'association, l'association Josette et Maurice Audin, qui travaille sur les liens entre la France et l'Algérie, sur les sujets de mémoire, sur les sujets de culture, sur les sujets de coopération scientifique. J'ai me suis embarqué dans trois missions de conseil scientifique auprès de différentes entreprises, travaillant sur les métiers féminins dans la tech, ou sur de la cryptographie, ou sur l'intelligence artificielle, etc. Mais comme si ça ne suffisait pas, je me suis aussi lancé dans les célébrations autour de Blaise Pascal. Donc j'ai trouvé le temps de relire tout Pascal dans le texte, et des bouquins sur Pascal, et de discuter avec des universitaires spécialistes de Pascal, soit du côté scientifique, soit du côté littéraire, etc. Et donc tout ce genre de choses, en empilant les tâches et les responsabilités, ça me permet de faire ce qui, toute ma vie, a été l'exercice préféré, le travail de synthèse. Ce que j'entends, c'est travail de synthèse, recherche de l'explication simple. Recherche de l'explication simple si possible. Aussi simple que possible. Ça, c'est un... Ça, c'est un... Ce qu'on aime faire en mathématiques. L'idéal, l'idéal, quelque chose qui semble miraculeux, le transformer en une belle explication qui semble couler de source. On se dit mais c'est l'explication, c'est ça. Et le phénomène qui semblait étonnant, il devient juste comme semblant couler de source. Et du coup ma question c'est, donc la recherche de la simplicité certes, mais tu passes par des moments difficiles que j'oppose à complexes, faciles, difficiles, que j'oppose à simples et complexes. Qu'est-ce qui t'anime pour en faire autant ? Et après on va venir à la question de la politique qui est encore autre chose. Tu vas me dire à quel point c'est séparé. Qu'est-ce qui t'anime depuis tout le temps ? Est-ce que c'est naturel ? Est-ce que des fois tu doutes ? Est-ce qu'est-ce que des fois tu te dis, soit sur ton travail, soit en te disant "j'en fais peut-être trop là" ? Le doute est une valeur positive en science. Le doute est normal. Le doute permet aussi d'avancer. On aime les gens qui doutent, pour paraphraser une célèbre chanson. Et ça m'a accompagné pendant toute ma carrière. Je me souviens un jour, je me souviens d'une discussion avec l'artiste Barthabas, dont je ne manque jamais les nouveaux spectacles, et qui m'a dit, moi, après toutes ces années passées à créer des numéros avec mes chevaux, animer des équipes, j'en ai conclu que les deux seules choses que je pouvais transmettre à mes équipes sont le doute et l'énergie. Et je me suis dit, bah, comme je me reconnais bien dans cette phrase, dans cet aphorisme. Maintenant, ce que j'ai appris en politique et qui est bien connu des experts, c'est aussi la façon dont le doute est instrumentalisé. Et il y a ces ouvrages célèbres de Naomi Oreskes, Eric Conway et bien d'autres qui ont succédé sur les marchands de doute, sur la guerre du doute, sur la façon de transformer le doute, c'est communicant, rédigeant des mémos pour l'industrie du tabac dans le temps où il fallait lutter contre la réglementation avec des slogans du genre "notre produit, c'est le doute". Nous devons servir du doute, reconnaissant que le doute est une valeur scientifique, mais détournant cette valeur scientifique pour en faire une façon de contourner et de retarder l'action politique. D'accord. Et qu'est-ce qui t'a amené, toi, vers la politique ? C'est des convictions profondes, c'est une observation de certaines choses qui t'allait pas et en même temps un sentiment de dire bon, peut-être que je peux avoir un impact. Ça n'a pas été le cheminement. Je ne saurais pas dire quel était le moteur. Effectivement, il y a des personnes qu'on connaît qui disent, qui expliquent bien comment ils ont été scandalisés, révoltés par telle ou telle chose et donc s'en engager en politique. Ça n'a pas été mon cheminement. Et s'il y avait bien sûr des choses qui me gênaient ou qui me scandalisaient ou qui me révoltaient, pendant des années, je n'ai pas eu d'opinion politique très marquée. Je ne discutais pas de politique quand j'étais étudiant, même dans un endroit aussi politisé que l'école normale supérieure. Et j'avais des engagements qui étaient plutôt associatifs. Je cotisais pour préserver telle ou telle espèce menacée et ainsi de suite. ou pour solidarité avec les personnes qui en ont besoin. J'ai cotisé très tôt à des associations comme Amnesty International ou Handicap International. Mais le cheminement politique a été beaucoup plus tortueux pour moi. Et je ne saurais pas vraiment donner un but ou une explication. C'était juste comme ça. C'était comme ça qu'à partir de mon arrivée en grande école, moi qui avais été un lycéen particulièrement timide, moi qui me trouvais m'épanouissant dans un environnement d'enseignement supérieur, je me suis retrouvé à prendre des relations, des responsabilités, à devenir responsable de l'association au sein de l'association des élèves, puis président de l'association des élèves, puis à prendre des formations en charge en tant que caïman ou agrégé préparateur, comme on disait, puis devenir président de commission de spécialistes quand j'étais recruté professeur, puis devenir responsable de ceci ou cela, puis devenir dans la foulée de ma médaille FILS président d'association, puis militant dans les laboratoires d'idées fédéralistes. Donc, premier engagement politique au sens de la vie de la cité, ça a été un engagement fédéraliste. Je suis toujours un fédéraliste. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que c'est ce mot ? Il n'y a pas de définition précise des fédéralistes, mais ce sont ceux qui placent leur conviction et leur espoir dans une construction européenne renforcée. Renforcée à tous les niveaux et en partie au niveau politique. Avec un pouvoir politique européen plus fort, politique voulant dire aussi bien dans les pouvoirs que dans le discours médiatique, avec l'idée qu'on parlerait autant des élections européennes que de la présidentielle, avec l'idée que les personnes qui seraient commissaires européens autant commenter que la composition d'un gouvernement national, avec l'idée que les budgets gérés par l'Europe, ce ne serait pas le misérable 1% de l'ensemble du PIB de l'Europe. Mais pourquoi pas 5% ? Aux États-Unis, ça a été jusqu'à 15 ou 20% dans certains cas. Quand l'État fédéral devait vraiment envoyer une relance, c'était énorme la quantité d'argent que l'État fédéral était capable de mettre sur la table. Nous, on parle notre Green Deal européen, mais il est minus par rapport à ce que les Américains s'affairent. Alors les Américains, c'est un État fédéral, un État fédéral très fort parce qu'en plus, il y a quasiment une unité de langue. Il y a des lois qui varient d'un État à un autre, mais... Pardon, qui varient d'un État à l'autre, mais il y a une cour fédérale très forte, etc. Et arriver en Europe à faire ce régime politique fort, avec aussi une notion de défense européenne coordonnée. Ce sont les objectifs globaux de ces individus, cette espèce qu'on appelle les fédéralistes et qui s'opposent. Disons qu'on a le curseur quelque part, les fédéralistes qui veulent une Europe très intégrée, au contraire, les nationalistes qui, eux, ne veulent pas une Union européenne et disent que la brique fondamentale, ce sont les États-nations et que c'est vraiment là-dessus qu'il faut s'appuyer pour faire de la politique. Et les fédéralistes ont cette conviction que sans une construction politique européenne forte, le projet de la France ou le projet de n'importe quel Etat européen, il sera juste inaudible dans le conseil international des nations. Il ne pourra pas relever le défi, quel que soit le défi. Qu'on choisisse de mener une politique écolo ou une politique libérale ou une politique conservatrice ou une politique révolutionnaire ou ce que vous voulez, dans un monde d'échange globalisé, dans un monde où les grands acteurs internationaux sont puissants et comptent des 500, 800 millions d'habitants, un milliard et davantage d'habitants, avec un poids, une empreinte écologique phénoménale, une capacité de faire bouger les investissements et tout. Dans un tel monde, une Europe morcelée et divisée ne pourra pas faire entendre sa voix et la France, mécaniquement, se retrouvera inaudible. Toute cette réflexion, ça se base vraiment sur la... Oui, pardon. Et quand je me suis lancé là-dedans, c'est pas une réflexion explicite au début. Il s'est trouvé que dans la suite de la Medaille Fils, j'ai été approché par un laboratoire d'idées, Europa Nova, qui voulait m'impliquer dans son programme de jeunes leaders européens, avec l'idée de tisser des liens entre personnalités en responsabilité, entre un pays et l'autre, au sein de l'Union européenne pour avoir une sorte de communauté bienveillante qui œuvre à faciliter cette construction. Et j'étais très sceptique quand j'ai été approché, en me disant pourquoi ils veulent me parler de politique, j'ai autre chose à faire, j'ai mon institut à faire avancer, j'ai des millions à trouver pour mes grands projets, j'ai des interviews partout, je suis déjà surmené, pourquoi ils viennent me parler de politique ? Et puis quand ils m'ont dit écoute on va te faire rencontrer d'autres personnalités européennes venant d'un peu tous les pays, il y aura des journalistes, il y aura des politiques, il y aura des militaires, il y aura des influenceurs, il y aura des économistes, il y aura des entrepreneurs. Ça je me suis dit "Waouh !" Ça c'est quelque chose, ça c'est quelque chose de passionnant et ça correspondait tellement à ce que j'avais pu vivre en partie, en tant que scientifique, allant d'un pays à un autre, rencontrant les uns, rencontrant les autres, que je me suis retrouvé là-dedans. Et j'en ai acquis le premier déclic qui était finalement, en venant de n'importe quelle spécialité, on est légitime à parler de politique, à discuter ensemble de l'avenir de la France, de l'avenir de l'Europe, de l'avenir du monde. Et il faut aussi que ce soit comme ça, une discussion très ouverte. Ils ont des choses à m'apporter, moi j'ai des choses à m'apporter. Ça, c'était la première réalisation, c'était vers 2010-2011. C'était un cheminement à l'interface entre sciences et politique qui m'amenait par exemple à être recruté pour le premier conseil scientifique de la Commission européenne. Et puis à rester, même si le premier conseil fonctionnait atrocement mal pour diverses raisons, des conflits de personnes, des défauts de construction, un manque de moyens, je suis resté pour le deuxième version de ce conseil qui fonctionnait beaucoup mieux, où les choses avaient été revues structurellement, qui était mené par un excellent commissaire, le commissaire Carlos Moedas, portugais, qui était en charge de la recherche à l'époque, qui maintenant est le maire de Lisbonne, une très forte, grande personnalité politique portugaise, politique européenne et dont j'espère que son influence ira en s'accroissant. Et donc, ça, c'était la première réalisation. C'est mon devoir de scientifique de m'impliquer dans les questions politiques et d'y apporter un regard fait de tout ce que j'ai rencontré, une expertise scientifique pour conseiller le politique et ainsi de suite. Et j'ai pu voir aussi combien le conseil scientifique aux politiques, c'est quelque chose de varié, qui dépend des temporalités, qui dépend des sujet, etc. Et puis, c'est ce cheminement qui, indirectement, de fil en aiguille, m'a mené à être député national, député en France. Ce n'est pas prévu. J'avais en tête, dans les années 2010, que si je prenais une fonction politique et ça viendrait, un vrai mandat, pour en particulier comprendre et voir ce que c'est, ce serait plutôt un mandat de député européen. Et puis, le sort a voulu qu'il y avait cette élection présidentielle 2017, tellement particulière avec un parti inconnu, insaisissable, qui me plaisait bien par sa façon d'agréger la communauté civile et par sa façon de chercher à dépasser les clivages, et son côté très europhile, très européen. S'il y avait des sensibilités fédéralistes, elles étaient là sans aucun doute, en particulier dans une élection où les écologistes s'étaient retirés, se mettant en retrait au profit de candidats socialistes. Et donc, je me suis retrouvé finalement, de fil en aiguille, à être dans la moulinette nationale, bien, bien plus terrible que la moulinette européenne, que ce soit au point de vue médiatique, au point de vue des façons de travailler, au point de vue des contraintes et de la violence, au point de vue de l'attention et de tout ce qu'on peut en tirer aussi. Ça a été très instructif, ça a été, par certains moments, très dur. Il y a eu des moments de splendeur et des moments de grande misère. Et il m'a fallu un moment avant que je comprenne la deuxième grande leçon, première grande leçon, c'est dans les années 2010, même moi qui suis scientifique, je suis légitime à parler de politique, à faire de la politique, deuxième leçon vers 2020. N'empêche, si je veux approfondir en politique, c'est une bonne idée de systématiquement travailler et potasser la politique. Ça veut dire lire des ouvrages traitant de l'interface entre sciences et politiques, mais aussi lire des ouvrages qui traitent directement le politique. Lire Marx, lire le corpus écologique, lire les auteurs économistes les plus importants, lire en détail l'histoire politique contemporaine et ancienne, comprendre comment on s'inscrit dans un système d'idées de valeur, qu'est-ce qui est en héritage, qu'est-ce qui est en tension, comment ça se passe à l'international et ainsi de suite. Et puis identifier des interlocuteurs qui me permettent de progresser, des gens que je vais aller interviewer sur la question économique, allez ! Trouvant un vrai spécialiste des retraites qui a étudié ça au point de vue universitaire, qui a écrit des bouquins sur le sujet, qui va pouvoir en une heure ou deux de discussion me dire il y a tel tel et tel sujet important et tout. Un vrai spécialiste de laïcité qui a passé beaucoup de temps sur l'histoire du sujet, qui sait quelles sont les bonnes références, etc. un vrai spécialiste de la question du lobbying et qui va indiquer comment est-ce que le débat se pose en tel ou tel terme. Et passer du temps à discuter et à murer là-dessus avant les échéances électorales. Parce que quand l'élection arrive, on n'a plus le temps. J'ai cru dans certaines élections où je me suis présenté, et comme En Marche avait eu un tel succès politique en faisant ça, j'ai cru "écoutez, on va faire du collaboratif, on va construire le programme au fur et à mesure à mesure de l'élection, en fonction des thèmes, en fonction de ce qui se présente, en mélangeant le regard des experts avec le regard citoyen, etc. En vrai, on n'a pas le temps de le faire sereinement pendant une élection. Et c'est biaisé parce que ça vient avec les appétits des uns, l'impatience des autres, etc. Il faut faire ce travail aussi en amont que possible. et compréhension aussi que sur les trois fonctions majeures des partis politiques et des politiques organisées, les trois fonctions que sont la préparation des élections et la gestion des mandats, toute la partie élective, la préparation des programmes, des partis programmatiques, et la bataille culturelle, menée directement dans les médias et auprès des citoyens, en conférences, en universités d'été, en ateliers, en séminaires. De ces trois fonctions, la première a mangé les deux autres dans notre époque de médias et d'élections permanentes. Et que c'est important qu'il y ait des gens pour travailler sur les deux autres. C'est important qu'il y ait des gens aussi pour se coltiner toute la tambouille électorale, toute la terrible conflit interne qu'il y a dans n'importe quelle partie à l'approche des élections, telle qui veut se présenter contre telle, les manœuvres en douce, etc. Il y a des gens pour gérer ça. Je ne crois pas que dans aucun qui a un seul parti dans lequel ça se passe bien. Et mais pour autant, une autre de mes conclusions, c'est qu'on ne peut pas se passer des partis. Seule forme stable qui puisse garantir une pérennité, une stabilité d'action dans la bataille, dans le concert idéologique, en disant voilà ce en quoi nous croyons, voilà ce dont nous ne voulons pas entendre, etc. Et que ça survive à la carrière de telle ou telle personne. Ça, c'est forme partie. Cet engagement dans les partis, il m'a fallu tout ce temps, tout ce cheminement intellectuel et pratique avant de considérer qu'il était légitime, important. Et que ça faisait partie de ma... Que ça devait faire partie de ma vie et de mon engagement. Mais c'est quelque chose à quoi, encore il y a quelques années, je ne croyais pas. Et je vous dis aujourd'hui, ben voilà, ça fait partie. Les parties font partie, c'est le cas de le dire, des ingrédients qui doivent légitimement travailler à changer le monde. Sur les parties, on pense qu'on en a un certain nombre. Moi, je m'intéresse beaucoup à ce qui se passe de l'autre côté de l'Atlantique. En gros, ils ont deux parties, pour faire très simple, peut-être un peu trop simple, mais bon. Qu'est-ce que tu penses de cette différence entre ces deux situations ? Est-ce qu'il y a un nombre de parties qui fait que le système est plus stable, il fonctionne mieux ? Et est-ce que c'est plus comme les Etats-Unis ? Est-ce que c'est plus comme nous qui en avons quand même plus ? Les Etats-Unis sont peut-être un cas particulier, parce qu'il y a tellement d'argent en jeu, qu'il y a une telle pression médiatique parce que les élections sont tellement fréquentes aussi. Des élections parlementaires tous les deux ans, c'est de la folie furieuse. À peine le président des Etats-Unis est élu, il a quelques mois pour mettre en œuvre sa politique, elle est un an et il se retrouve à nouveau en campagne. C'est de la folie furieuse. Et puis, dans cette bataille culturelle phénoménale dans laquelle il y a des médias qui sont tout entiers au service de tel ou tel parti, plutôt au service des Républicains et des Démocrates. C'est vraiment sans doute un cas particulier, mais on trouve la figure du système à deux parties ici et là dans le monde. C'est aussi la situation britannique à peu de choses près. Ça a été pendant longtemps la situation en France, un bloc de gauche, un bloc de droite. C'est parfois associé à un système de scrutin particulier, en l'occurrence des scrutins majoritaires, comme on a nous en France un peu systématiquement, qui rendent difficile d'évoluer et de multiplier les parties. Et puis l'autre tendance qui est plus répandue dans les démocraties occidentales, ce qu'on appelle démocratie occidentale, c'est le régime multiparty, dans lequel on peut en avoir facilement six, sept, huit. Alors peut-être le record, ça va être Israël avec toute sa constellation de petits partie et une Knesset qui est complètement en mosaïque, un cas particulier encore peut-être, où quand sur 120 députés vous arrivez à constituer une alliance de 62, on considère que vous avez une forte majorité tellement les équilibres sont instables et toujours à la voix près. Mais le nombre de parties aujourd'hui en France, c'est plus ou moins la même chose qu'en Allemagne, même si en Allemagne ça a évolué de façon plus sereine, on peut le dire, et de façon beaucoup plus saine, me semble-t-il, du fait d'un mode de scrutin proportionnel, conçu comme étant proportionnel de longue date, et avec une culture de coalition qui s'est imposée aussi bien au niveau des lander qu'au niveau fédéral. Important pour permettre aux partis plus récents, aux partis émergents, aux partis qui n'ont pas au départ de culture de gouvernement, pour leur permettre d'accéder à cette culture de gouvernement, de travailler les dossiers avec l'exécutif, de monter en compétences techniques sur des sujets tant scientifiques que techniques, que administratifs, etc. Et le fait d'avoir systématiquement des représentations proportionnelles en Allemagne a joué un rôle important dans cette émergence. L'expérience montre que les partis écologistes se déploient très mal dans un contexte d'élections au suffrage majoritaire et et qu'ils ont besoin de s'intégrer à des coalitions. La démarche écologiste aujourd'hui étant à coup sûr la plus révolutionnaire parmi les différents partis qui ont différentes offres politiques parce que ça demande des changements de comportement, parce que ça s'invite sur des secteurs où les autres partis n'osent pas aller, comme notre alimentation, les relations personnelles et des choses comme ça. Et en même temps, ce sont des partis qui ont un fond plutôt très attaché aux libertés individuelles. Et donc, de ce fait, dans aucun pays dans le monde, on n'a encore vu de majorité écologiste se dégager. C'est quelque chose qui pourra attendre très longtemps certainement, alors que partout, on a vu des pays avec une majorité pour la gauche, y compris une majorité pour la gauche franche ou une majorité pour la droite ou une majorité pour l'extrême droite, etc. ou une majorité libérale. Et donc, pour une accession au pouvoir de partis écologistes, certainement, ça doit se faire avec des coalitions. C'est même certainement sain pour la société que ça se fasse dans les coalitions parce que ça force des partis plus classiques à travailler avec les partis écologiques, écologistes, à mettre à définir ensemble des programmes, à définir des alliances. On sait combien les coalitions sont compliquées. C'est un jeu d'amouraine permanent, mais ça permet parti d'apprendre à travailler ensemble et à la société de s'y retrouver. On a une coalition aujourd'hui en Allemagne qui est fort intéressante avec les sociodémocrates, les écologistes et les libéraux. Les libéraux et les écologistes sont des formations qui sont très attachées à l'Europe. Les uns y voyant un espace de libre-échange et de marché international important et puis une force économique qui peut se dégager de l'Europe. Les autres y voyant un grand espace d'échange intellectuel, mais aussi de régulation d'agriculture ou de régulation de normes, de régulation de pollution et la possibilité de constituer un bloc important pour peser sur les choix écologistes du monde. Donc, avoir ces deux familles qui se détestent sur les questions de doctrine économique, mais qui se retrouvent sur les questions de politique européenne ensemble, c'est très intéressant. Et puis associés aux sociodémocrates qui sont une vision de changement plus adouci par rapport à la société, avec une très longue tradition, c'est quelque chose qui est fort intéressant. Aujourd'hui en France nous avons une situation qui à l'inverse est complètement illisible. Il n'y a pas de coalition, il n'y a pas de majorité, il y a une majorité relative faite de trois composantes de ce qui s'appelle la majorité présidentielle, qui les unes les autres se comportent avec une grande méfiance, sans accord préalable sur ce qui va être décidé, même au sein de cette partie de cette minorité qui est une majorité relative, et dont la composante principale, Renaissance, n'a toujours aucun corpus programmatique ni idéologique, de sorte qu'on ne sait même pas ce qu'ils veulent, si ce n'est qu'ils ont un fonds europhile et libéral. Mais on n'ira pas bien loin avec ça en matière de doctrine et de programme. Donc, c'est une situation qui est extrêmement confuse, qui se traduit aussi par un niveau de tension et parfois d'hystérie au Parlement comme on a rarement vu, comme moi, j'ai jamais vu. Bien pire, bien plus que ce qu'il y avait durant le mandat que j'ai fait. D'accord. J'ai une question un peu plus générale, je ne sais pas sous quelle langue tu vas vouloir la prendre, mais la question de l'opposition entre la collaboration et la compétition. Quand on parle de politique, je pense que c'est au centre, dans plein de domaines, quasiment tous les domaines humains, c'est au centre de la question. Quand tu parles de fédéralisme, quand tu parles d'Europe, est-ce que c'est une étape intermédiaire vers une sorte de... Je ne sais pas si ça va faire sens ce que je veux dire, mais de gouvernement mondial pour faire face à certaines crises, notamment mondiales. Tu parlais d'écologie tout à l'heure. il va y avoir des questions technologiques. Ça commence à être très visible, l'intelligence artificielle notamment. J'imagine qu'il peut y avoir des choses en biotechnologie aussi qui vont mériter des réflexions globales, humaines. Donc voilà, ma question c'est ça. Est-ce que l'Europe c'est pour s'opposer aux autres ? Ou est-ce que c'est une première étape vers une mondialisation globale ? à très long terme peut-être, mais bon sang, on verra pas ça, ni toi ni moi, de notre vivant, j'en suis sûr. Sauf s'il y a une attaque d'extraterrestres qui oblige le monde entier à se fédérer. Maintenant, il y a un certain curseur, on peut dire, un ennemi de l'Europe, le gouvernement européen, nous l'avons déjà, c'est la Commission européenne. Pour caricaturer, la Commission européenne c'est Le Parlement européen, c'est le législatif. Et on a aussi la Cour européenne de justice, qui pourrait être le pouvoir judiciaire européen. Mais on peut aussi dire le pouvoir législatif, ça serait une combinaison entre le Parlement européen, qui serait la Chambre basse, comme les députés, et le Conseil européen, qui serait la Chambre haute, un peu l'équivalent du Sénat. Pour l'instant, c'est déséquilibré pour plein de raisons. Pour l'instant, c'est le Conseil européen qui en pratique le dernier mot sur les choses. Mais l'important, c'est qu'il y a un certain curseur dans une entente. Ce qui est en bas du curseur, en bas de l'échelle, c'est une régulation, en disant on n'est pas là pour décider les choses ensemble, mais on va se fixer juste des limites. Ah là, ça c'est la règle, on fait ci, on fait ça, etc. Et puis on fait ce qu'on veut pour le reste. C'est genre, on n'avance pas forcément ensemble, on va quand même s'attacher les uns aux autres, tiens, comme les bagnards, de sorte qu'on ne peut pas s'écarter trop les uns des autres. Après, on décide si on louvoie, si on zigzag, etc. Mais il y a des règles comme ça qui disent, qui disent on ne va pas avoir plus de tant de pourcents de déficit budgétaire les uns les autres, où on va se donner une monnaie commune, on fait ce qu'on veut pour la politique économique, mais la monnaie est commune. Certaines économistes disent que c'est une hérésie parce qu'une monnaie, ça doit refléter des choix économiques. Des fois, on veut se mettre en dévaluation ou laisser la monnaie s'apprécier, etc. Mais là, c'est une sorte de cote mal taillée. C'est une régulation et des contraintes et certaines choses mises en commun. Et à partir du moment où il y a davantage de pouvoir et où le pouvoir devient effectivement du côté de cet organisme européen, on pourrait parler de véritables gouvernement européen. Alors, les États ont aussi une régulation les uns avec les autres. Ils ont des règles qui sont fixées pour certains au niveau de l'Organisation mondiale du commerce ou au niveau des Nations unies. Des règles qui ne sont pas très contraignantes dans l'ensemble, qui sont l'objet de toutes sortes de coups fourrés et de manigances et de cabales. Et sont des organes plutôt faibles. En tout cas, les Nations unies sont un organe assez faible. On aurait besoin d'un organe beaucoup plus fort. Il n'y a qu'à voir combien de résolution des Nations unies reste l'être mort. Les Nations unies font telle et telle résolution, tac, tac, tac, tac, mais ça n'empêche, les gens continuent comme si de rien n'était. Ou sur une affaire que j'ai suivie de près, que je continue à suivre de près, l'affaire Assange. J'étais le soutien, le coordinateur du soutien parlementaire à Julian Assange pendant la fin de mon mandat. Aujourd'hui encore, régulièrement, je suis aux côtés de Stella Assange quand elle vient en France pour des événements publics, pour des prises de parole, pour des tribunes et ainsi suite. Et je compte bien aller rendre visite un de ces jours à Julian Assange dans sa prison haute sécurité de Belmarche, à Londres. Et on peut voir sur ce sujet combien des pays pourtant fondateurs des Nations Unies et fondateurs historiques de l'idée de démocratie occidentale et de préservation des libertés individuelles contre l'arbitraire de l'État, combien ces pays se sont complètement assis sur ces libertés fondamentales et sur la vie de Nations Unies. Je parle des Etats-Unis, je parle de la Grande-Bretagne. Quand le groupe de travail des Nations Unies en charge de la torture a rendu ses conclusions après une longue et fouillée instruction en disant "Julien Assange est détenu arbitrairement, soumis à la torture, doit être immédiatement libéré et indemnisé", la réponse du gouvernement britannique ça a été "c'est C'est un travail d'amateur que celui de ce groupe de travail de Nations Unies et bien sûr, nous n'en tiendrons aucun compte. Les États-Unis, eux, n'ont même pas jugé utile de répondre. De temps en temps, ils disent "on va retirer notre soutien aux Nations Unies" et ça continue comme ça. Donc vraiment, ça montre la faiblesse de ces organisations internationales dont pourtant nous avons absolument besoin. Nous en aurions grand besoin dans un contexte de crise écologique, bien sûr. définir comment on se partage les ressources. Alors, le seul cadre dans lequel c'est discuté, d'ailleurs, et heureusement qu'on l'a, sont les Nations unies. Les Nations unies qui organisent les conférences internationales sur le climat, qui organisent les COP. Tout ça, c'est sous l'égide de ce qu'on appelle en acronyme français le CNUC ou en acronyme anglo-saxon l'UNFCCC. le cadre, je ne sais plus comment c'est, le cadre commun des Nations Unies contre le réchauffement climatique, quelque chose comme ça. Et heureusement qu'on a cet organe des Nations Unies à cette époque-là. J'ai participé récemment pour la première fois à la conférence de Bonn, organisée donc par les Nations Unies, tous les six mois, en préparation aux aux différentes COP, la prochaine qui se tiendra à Dubaï, etc. C'est une ambiance qui est à la fois vertigineuse, qui correspond bien à l'internationaliste que je suis, qui est à la fois enthousiasmante et déprimante. Enthousiasmante parce qu'on voit se côtoyer des représentants de toutes les cultures, toutes les nations, y compris des communautés ou des cultures qui ont peu de place pour se faire entendre d'habitude. vous voyez des représentants de peuple premier, beaucoup avec leurs costumes traditionnels, leurs coiffes de plumes ou ce que vous voulez. Vous voyez aussi des... Il y a régulièrement des protestations de tel et tel activiste. Et vous avez les... Mais vous voyez aussi le contraste entre les exposés scientifiques disant "Voilà, on va améliorer le rapport comme ci et comme ça. L'intelligence artificielle va nous aider à rédiger le prochain rapport. Les mesures étaient précises pour cette façon. nous avons fait évoluer notre vocabulaire, voilà ce qui a marché, voilà ce qui n'a pas marché, etc. Tac, tac, tac. Et puis il a exposé politique, avec tous ceux qui veulent que ça aille le moins vite possible. Je me souviens, il a été marqué par le discours d'ouverture du président de la prochaine COP. Il était là, évidemment, pour préparer le terrain, rencontrer des gens. Il est représentant de grands intérêts pétroliers, mais c'est lui qui a la présidence de la prochaine COP, cherche l'erreur. Et donc il a commencé en disant "nous savons bien ce que nous devons faire, la feuille de route est claire, nous devons commencer rapidement à réfléchir pour établir une feuille de route qui permettra de définir un cadre dans lequel la définition pragmatique de la marche à suivre sera classée". Quelque chose comme ça, qui empilait les notions de définition. et on voyait bien, c'est pas quelqu'un qui a envie d'accélérer vraiment les choses. Bon, et on entendait ces discours et vous voyez, au bout de trois jours, ils n'avaient toujours pas adopté, les politiques n'avaient toujours pas, au bout de trois jours, adopté l'agenda, rien que l'étape de l'emploi du temps de la quinzaine. Ils en étaient à se disputer sur des questions de nomenclature, vous voyez, des trucs qui reviennent. Quelqu'un qui dit "ouais, mais ça on a déjà discuté l'an dernier, il y a déjà eu un rapport là-dessus, etc." Donc vous voyez, mais ça c'est quelque chose, cette différence de temporalité extraordinaire. entre un monde scientifique qui progresse, progresse et de façon exponentielle et sur à peu près tous les sujets et un monde politique dans lequel les débats viennent et reviennent et où le thème de débat que vous entendez à l'Assemblée, en fait il était déjà l'an dernier, où à chaque nouvelle élection présidentielle depuis des décennies, vous avez à la droite qui dit "le grand sujet c'est l'identité nationale de la France", c'était là encore et quelques jours ça s'est réinvité en préparation d'une campagne présidentielle qui commence et qui va durer quatre ans. Et ces thèmes, ils étaient déjà là il y a dix ans. Mais certains thèmes, vous les revoyez déjà, pareil, il y a 50 ans. Quand vous voyez sur les images d'archives René Dumont qui faisait campagne pour le vélo en expliquant la voiture, ça pollue, ça tue, etc. C'était il y a 50 ans. Et c'est toujours le même thème, le même débat. Les gens qui disent "oui mais c'est plus rapide", "non mais attendez, mais il faut revoir nos habitudes, nos infrastructures, etc." Et c'est une affaire de longue haleine. Et pourtant, pourtant, on ne peut pas faire sans le débat. On ne sait pas faire, sauf à instaurer une dictature qui, en pratique et d'expérience, ne va jamais dans la bonne direction. L'inertie n'est vraiment pas la même, du coup. C'est ce que tu as remarqué entre le monde scientifique, qui doit en avoir quand même. Moi, j'entends souvent dire que certaines théories sont vraiment abandonnées. Il y a un consensus quand la génération qui est décédée, quand la génération... C'est vrai, c'est absolument vrai. Donc, il y a quand même une inertie. Il y a des anecdotes très drôles là-dessus aussi. Oui, oui, absolument. Donc, ça existe en science aussi, en politique et du coup, à l'échelle de la France, par exemple, ou n'importe quel autre pays d'ailleurs, ou de l'Europe. Cette inertie est beaucoup plus importante. Oui, mais je dirais déjà, en science, d'une part, c'est l'affaire d'une communauté qui est petite alors. C'est quoi à l'échelle mondiale ? je sais pas, mais c'est peut-être quelques dizaines de millions de personnes. C'est trois ordres de grandeur en dessous de la population mondiale. Bon, peut-être, ou peut-être deux, allez, deux ordres de grandeur en dessous. Et puis, l'évaluation n'est pas du tout la même. En science, on s'évalue entre spécialistes, entre experts. Ce sont des pairs qui évaluent. Les personnes qui ont évalué mes articles de recherche et qui ont décidé que ça valait d'être publié dans telle revue prestigieuse, qui ont donné le OK au comité de la médaille FISE en disant On a regardé en grand détail le travail de Cédric Villani et Clément Mouhaut. Et pour nous, c'est vraiment un niveau. C'est bon, on trouve que ça peut, ça vaut pour la médaille FIS. C'était deux, trois personnes, peut-être, consultées par un comité qui était souverain pour décider, qui faisait, je ne sais plus, une douzaine de personnes, peut-être. Donc, ça se décide en très petit, tandis que la décision et l'évaluation politique, ce sont des millions d'individus qui la font et avec des grandes tendances et qui vont voter. Et comme j'ai pu le voir aussi, campagne après campagne, je n'ai pas encore vu, j'ai dû voir une bonne demi-douzaine de campagnes de près, depuis que je suis dans le bain au cœur et que j'ai été engagé dans des parties ou des mouvements. Et je n'ai pas vu une seule élection qui se décide vraiment sur un programme, un programme compté, mais comme une composante minoritaire. Et ce qui comptait davantage, c'était telle ou telle faculté à faire vibrer, telle ou telle faculté d'incarnation. Parfois un mot qui est prononcé, une visite, une posture dans un débat, une aisance rhétorique. Mais on peut avoir un très bon programme et un très mauvais rhétoricien aussi. J'ai vu dans la campagne de loin la plus dure, la plus lessivante à laquelle j'ai participé, qui est la campagne municipale parisienne. J'ai vu que la candidature qui a vraiment progressé entre le début et la fin de campagne, celle de Rachida Dati, elle n'a pas du tout été faite sur un programme travailler, fouiller. Elle a été faite sur un grand talent oratoire, sur une faculté d'incarnation, quelque chose de complètement différent que ce sur quoi j'avais pu, en particulier, pendant tout le temps que j'ai passé à travailler avec les équipes sur le programme, sur la façon de voir Paris, sur la façon de débat de tel ou tel. J'ai vu la candidate... Je me souviens, pour prendre juste un exemple, la thématique des minorités d'orientation sexuelle, la thématique LGBT, thématique importante, majeure pour les familles politiques dans lesquelles je suis engagé, aussi parce que défense des minorités culturelles, défense de la diversité des cultures, défense des droits individuels et des libertés, ça va de pair avec la défense du monde dans sa diversité et aussi de la biodiversité, et aussi des territoires, des climats et tout ça. C'était un sujet qu'on avait particulièrement bien travaillé. C'était une interview quand il s'agissait de passer devant les personnes responsables, devant la rédaction de Têtu, qu'on avait extrêmement travaillé et retravaillé. La candidate d'Atti, elle ne s'est pas embêtée, elle n'est juste pas venue. Et la rédaction a diffusé une vidéo dans laquelle ils tendaient le micro à une photo de Rachida d'Atti sur son fauteuil et tout ça. Et nous, on voit ça, on s'est dit "Oh là là, heureusement que ce n'est pas à nous que c'est arrivé". N'empêche qu'elle a continué à progresser dans les sondages, Rachida Dati. Donc, ce genre d'expérience vécue, c'est quelque chose qui vous fait prendre conscience à quel point le monde politique, dans sa façon décidée, est sur des ressorts très différents de ce qu'est le monde scientifique. Maintenant, c'est légitime. On ne va pas faire une loi pour imposer aux électeurs de lire le programme. Ils ont, s'ils veulent voter sans lire le programme, c'est leur droit le plus strict. Et si on voulait imposer quelque chose, on se retrouverait face à des trucs indémilables, genre qui décide que le programme est acceptable, qu'il partire de camp, qu'est-ce que ça veut dire lire le programme et tout. Donc, il faut s'en satisfaire. Tout le monde a le droit de voter avec une formation politique ou pas, avec une connaissance technique ou pas. Et à la fin, c'est sur les rapports de confiance, surtout, que ça se joue. Alors, on va réinviter Blaise Pascal là-dedans. Une des visions politiques de Pascal, il faut les prendre très sérieusement, ce sont des choses qui continuent à me travailler. Pascal n'était pas un révolutionnaire. Pascal est très admiré des penseurs de l'écologie par sa façon qu'il a de travailler sur le lien entre les choses, sa vision globale, plutôt que d'isoler les individus et les catégories. Il voit tout comme un grand écosystème, pour employer un terme moderne. Pascal est très apprécié des penseurs de gauche pour son habileté rhétorique et sa façon de mener la dialectique. bien avant les Hegel ou Marx. Mais Pascal n'était pas du tout un révolutionnaire. L'une de ses phrases et de ses maximes, c'est de dire "il ne faut pas chercher à rendre fort ce qui est juste, mais à rendre juste ce qui est fort". C'est quelque chose qui est troublant parce que quand on est, quand on a cette, quand on vient, quand on est dans des... d'engager à côté de familles de pensée plutôt à gauche ou plutôt écologiste, avec cette idée qu'il y a quelque chose qui est juste, qui est déterminé par les penseurs, les scientifiques, avec tout le corpus des premiers constructeurs de l'écologie politique qui tous, les Carson ou Harrison ou Oreskes ou Meadows, s'enracinaient dans la réflexion scientifique en cherchant ce qui est juste, ce qui est durable et tout. Et ensuite, rendre fort ce courant de pensée et le faire triompher. Pascal nous dit en gros c'est peine perdue parce que les humains ne sont pas bons du tout pour distinguer entre ce qui est juste et ce qui est mal, ce qui est injuste. En revanche, ils savent apprécier ce qui est fort et ce qui ne l'est pas. C'est comme naturel. Ils voient où est la force et la force s'impose d'elle-même. C'est toujours la force qui sera là. En revanche, on peut travailler à rendre juste ce qui est fort et ça, ça a plus de chances d'aboutir. Ça, c'était le raisonnement de Pascal. C'est troublant pour des gens comme moi. On a cette idée, l'écologie, c'est très minoritaire, mais il s'agit de le faire grandir jusqu'au point où ça deviendra fort. Mais quand Pascal en dit ça, il faut s'y penser. Alors, on peut le prendre de deux façons en disant, voilà, il y a les partis qui sont forts, le pouvoir qui est fort, c'est ça qui va gagner. Peut-être que le boulot, après, allez, c'est de travailler à rendre juste ou à insuffler les bonnes paroles auprès des puissants. Et ça, je suis assez sceptique sur les chances de succès, d'expérience. Quand c'est pas quelque chose à quoi ils croient de toute leur âme, ils se défilent toujours au dernier moment, que ce soit les partis ou les gouvernements ou les présidents, ils disent "ah oui, oui, je vais faire un quinquennat écologique" et tout ça et tout. N'empêche qu'à la fin, on voit où sont les priorités. Quand il s'agit de finances, l'actuel président est capable de tout. Quand il s'agit d'une question écologique, si l'obstacle est là, il dit "ouh là là, "attendez, on va revoir le truc, on va refaire une consultation, etc, etc. Quand la difficulté arrive, quand la difficulté arrive et que les citoyens grognent ou les loups grognent, etc. Vous continuez seulement si vous croyez, si c'est dans votre cœur. Donc, c'est assez dur de considérer cela comme la bonne interprétation à faire de Pascal. En revanche, quelque chose que je retiens et que je mettrais avec Pascal, c'est un truc qui est difficile à expliquer, mais les citoyens savent reconnaître ou pas, de façon juste ou injuste, c'est en qui ils ont confiance. La confiance, elle est là ou elle n'est pas là. Et souvent, ça ne bouge pas. Ou parfois, la confiance est perdue. Mais ces grands mouvements, ces grands mouvements qui sont "je fais confiance à cela" ou "je ne fais pas confiance à cela", ils sont très forts. Et je dirais peut-être qu'il faut voir pour nous et pour le mouvement écologiste ou pour les sciences qui vont avec, c'est comment travailler avant tout sur la confiance. capitaliser aussi peut-être sur le fait que la science est une valeur dans laquelle la confiance est très forte et que c'est là-dessus, sur ce genre de choses, sur ce genre de rapport de confiance, plus que sur l'adéquation du quart de tour du programme et de tel ou tel sujet. Encore une fois, c'est le ressenti, quand on parlait au tout début entre le fond et la forme. Une fois, c'est le ressenti des gens, leur sens, leur leur... et du coup, leur confiance. Quelque chose qui est peut-être dur à mesurer, dur à quantifier individuellement. Dur à quantifier, dur à mesurer, mais qui se ressent et qui, pour le coup, est très fort. Et quand la défiance s'installe, la personne prise pour cible, toutes les peines du monde à remonter la pente sont des choses qui peuvent être sur très longtemps. Et aujourd'hui, ce qu'on voit aussi, hélas, au niveau des images des partis, ce sont des choses qui durent et qui perdurent de façon incroyablement forte. Il n'y a pas longtemps, on a sorti un sondage, il y a quelques jours, sorti un sondage, c'était parmi les personnalités que voici, sondage pour tous les Français et les Françaises, à qui feriez-vous confiance pour prendre en charge le destiné du pays ? premier, arrivé Édouard Philippe, assez nettement en tête. En second, Marine Le Pen. En troisième, Nicolas Sarkozy, malgré ses déboires judiciaires, etc. Au-delà de ce genre de choses, il y a quelque chose d'étrange. Malgré ces procès, malgré le fait qu'il risque de la prison ferme, l'ancien président Sarkozy est toujours haut dans la confiance. C'est incroyable, ça. Mais aussi, quelque chose qui était fort quand vous regardez, c'est que sur la quinzaine de personnalités politiques, tous les premiers sans exception étaient à droite. Les politiques considérées comme droite, soit droite libérale, soit droite dure, soit droite classique. Et ensuite, venaient toutes les personnalités de gauche, avec l'unique exception d'Éric Zemmour, qui était loin dans la liste. Et la personnalité écologiste arrivait tout à la fin. Et là, vous pouvez dire "alors, on peut lire ça en disant bah oui, mais c'est comme ça, c'est parce qu'ils sont plus intelligents ou plus dignes de confiance à droite qu'à gauche". elle y croit pas. Moi, je crois que c'est un reste de cette vision classique traditionnelle qu'on a inconsciemment, mais qu'il y a depuis très longtemps, qui est de dire quand même le sérieux c'est à droite, c'était le notable, le noble, le conte ou je ne sais quoi. Et à gauche, c'est moins sérieux, c'est c'est le révolutionnaire qui ne prend pas en compte, etc. Et les écologistes, tout au fond, c'est les naïfs, c'est les... C'est censé... Ces personnes, ils sont babacous, ils ne connaissent pas leur dossier. On les aime bien, ils défendent des valeurs importantes. On veut bien voter pour leur parti, mais ils ne sont pas prêts à gouverner. Ce genre de cliché est là. Et pourtant, on a vu à quel point les politiques traditionnelles de gauche et de droite sont basées sur des choses insoutenables pour la planète. On a vu à quel point les programmes des Républicains ou les derniers programmes des socialistes, ils étaient incompatibles avec les accords de Paris. incompatibles. Encore, le programme d'Anne Hidalgo, on peut considérer à la limite, à la dernière présidentielle, il était éventuellement compatible. Mais les programmes de droite, ça fait longtemps qu'ils sont juste incompatibles avec les objectifs de l'accord de Paris, de réchauffement contenu 1,5 ou bien en dessous des 2 degrés. Ce sont des programmes qui sont délétères. Ce sont des dangers pour la planète, la civilisation, pour l'avenir. Et malgré ça, au moment du vote, le cliché droite-partie plus sérieux, partie de gouvernement, continue à prévaloir. Il y a là quelque chose d'incroyable. Mais de la même façon que l'image du chef d'entreprise comme d'un patron responsable continue d'être là, alors qu'on sait que globalement, dans bien des cas, nos entreprises dopaient un modèle de croissance insoutenable, pour certaines dopaient à l'extraction de ressources pétrolières. Ça parante bien plus à de l'addiction qu'à quelque chose de raisonnable. Ça parente au comportement d'un drogué plutôt qu'à celui d'un sage. Par rapport à cette question de l'écologie, est-ce que tu penses que... Il y a des écologistes qui sont en bas dans ce sondage. Est-ce que tu penses que c'est parce que finalement, contrairement à ce que moi, j'ai l'impression de ressentir, la tendance écologiste des gens qui me semblent aller très croissant, ne peut-être pas... Ne va peut-être pas si vite. ou est-ce qu'il y a une décorrélation complète entre le programme, entre le fonds, et entre le charisme peut-être de ces candidats et du coup la forme ? Il y a plusieurs facteurs. C'est une banalité, mais c'est une réalité de dire que les partis écologistes traditionnellement se méfient de leur chef, par nature aussi, parce que c'est un fonds très démocratique dans lequel on veut le primat des idées plutôt que des personnes. Et certains diraient "ouais mais c'est embêtant parce qu'à la fin, les gens votent pour des incarnations et les partis qui fonctionnent bien, en tout cas en France, sont des partis bâtis autour de personnalités fortes". C'est une interprétation possible, honnêtement je ne sais pas. Maintenant, ce dont je suis sûr, en revanche, c'est que la réalité de l'évolution de la conscience écologique des citoyens, elle est contrastée. Par exemple, il y a aujourd'hui une augmentation sensible, pas monstrueuse, mais sensible du climato-scepticisme. Pas tellement dans sa version, finalement, il n'y a pas de réchauffement climatique, mais plutôt dans sa version, ce n'est pas un phénomène entièrement humain. Dans les enquêtes d'opinion de ces dernières années, en France, on a vu cette catégorie augmenter de plusieurs points. Mais ça va de paire avec des écrans de fumée systématiques qui sont imposées sur les réseaux sociaux, dans les communications, par des adversaires de la transition écologique, qui sont nombreux. Deuxièmement, c'est vrai qu'il y a de plus en plus de personnes qui ont conscience de ces enjeux-là, mais qui n'ont pas trandi cette conscience intellectualisée en une conviction où ils sont engagés avec le cœur. Ici encore, on est pascalien. Et on va dire que, je vais dire que tant qu'ils n'ont pas tirer les conséquences dans leur mode de vie, dans leurs actions, et ça ira aussi dans leur vote, ça n'aura pas franchi le pas. Et tirer les conclusions, ça veut dire sortir de cette espèce de demi-schizophrénie qui va être dire "le climat, c'est important pour la planète, mais au moment de voter, je vais voter pour des partis qui n'ont pas des programmes compatibles avec le maintien de la température de la planète. Ou demi-schizophrénie qui va être "c'est important la préservation des terres agricoles, mais ah, pour mon logement, je vais chercher une place dans un lotissement qui a été bâti en bétonnant les terres agricoles". Ou "c'est important d'éviter les gaz à effet de serre et puis à mon prochain repas, je vais manger une côte de veau". là où, ce qu'il faut garder en tête, que notre alimentation, en pratique, et pour la plupart des gens, est le levier de loin le plus facile à actionner pour réduire son empreinte carbone et au niveau mondial, le principal contributeur des gaz à effet de serre. Agriculture plus silvage, c'est comme 30 % au niveau mondial. Énorme. Selon moi, et après avoir pratiqué pendant des années tout ça, selon moi, tant qu'on n'a pas soi-même effectué un changement explicite sur son alimentation, on n'y est pas. On n'a pas fait sa transition. On y pense avec la tête, mais pas avec le cœur. Alors que quand vous êtes, par exemple, quand vous passez, alors ça peut prendre un temps, je suis devenu, j'ai viré flexitarien, comme on dit, en 2018, végétarien en 2020. Pour moi, c'était ni viande, ni poisson. puis j'ai ajouté la règle pas de crustacés, pas de céphalopodes pour des raisons variées, mais que ce soit en cohérence avec mes engagements. Pas de viande parce que c'est un ressort majeur de contribution à de gaz à effet de serre et une source de souffrance extraordinaire. La plus grande source de souffrance des êtres vivants aujourd'hui en Europe, c'est à coup sûr de l'élevage industriel. Rien qu'en France, c'est un milliard d'animaux à peu près qui sont sacrifiées chaque année pour la viande. Et sur ce milliard, la grande majorité aura vécu des conditions de vie terrifiantes. Et puis, à l'échelle mondiale, il faut voir ce que c'est. C'est 96 % aujourd'hui, des vertébrés qui sont des animaux, soit nous, des animaux humains, soit nos animaux de compagnie, soit nos animaux de bétail. 96 %, les quatre malheureux pourcents qui restent, c'est tout ce qu'on a laissé à la vie sauvage. C'est un truc incroyable. Pas de poisson, sauf exception, parce que aujourd'hui, la pêche n'est pas une activité soutenable. Et parce que la course à l'armement, que sont les grands chalutiers, les techniques de pêche, etc. ça a des effets délétères sur le vivant. Puis j'ai ajouté la règle de pâte crustacée parce que la pêche au crustacé aujourd'hui, elle est effectuée globalement d'une façon qui est aussi ravageuse pour les fonds marins. J'ai ajouté la règle de pâte céphalopode après avoir vu ce film extraordinaire, mon "My Octopus Teacher", je sais plus, "Sagesse de la pieuvre", un film qui vous montre vraiment de façon sensible, ça peut être quoi, l'histoire, une vraie histoire d'amitié entre un humain et un poulpe. Et comment est-ce que les poulpes ont ces comportements incroyables, parfois en jouant, en sacrifiant pour leur progéniture, en interagissant avec les autres, etc. Non, finalement, elles sont tellement intelligentes, je ne peux plus trouver ça légitime de les consommer, de les manger. Et puis, et puis j'en suis là. Mais au moins, je pouvais éviter cette espèce de schizophrénie. Je peux dire au moins là, sur cet aspect, je suis aligné. Sur les autres, peut-être pas. Il y a eu le moment aussi où j'ai réalisé, je me suis dit bon, les taxis sponsorisés par l'Assemblée nationale, j'arrête et je désinstalle mon appui et je me débrouillerais même pour aller, que ce soit pour aller à l'Assemblée, pour aller ailleurs, je me débrouillerais avec transport en commun, avec le vélo, etc. etc. Et puis, même un trajet dans le monde rural, on va s'appuyer d'abord sur le train, puis sur le vélo pliant et puis on va voir. Et puis, etc. Donc, tant qu'on n'a pas fait les changements dans sa vie, on n'y est pas vraiment. On y est peut-être avec la tête, mais pas avec le cœur. C'est avec le cœur que se joue la politique, aussi bien pour le vote que pour l'action des politiques. Et attention aussi, là je suis en train de vous parler de l'engagement. Je ne suis pas en train de vous dire que si tout le monde, tous les auditeurs de ton podcast changent leur alimentation, changent leur mode de transport, changent leur mode d'habitation, je ne suis pas en train de dire que ça sauvera la planète. Ça ne suffira pas. Parce que ça n'agira pas sur les grands modèles d'orientation de société, sur les grandes infrastructures, sur certains grands choix qui eux décident au niveau collectif et qui sont peut-être les trois quarts du changement. Mais ce quart de comportement qui vient des comportements individuels, en fait, il vaut beaucoup plus que simplement ce que ça implique. Parce que ça veut dire des citoyens qui ont vraiment conscience, sont vraiment dedans, qui peuvent interpeller légitimement et avec leur cœur les politiques, qui au moment de leur vote se disent "il faut que je revoie mes engagements", qui seront prêts aussi à grossir les rangs, soit des associations, soit des collectifs citoyens, soit des partis. Dans un monde, une démocratie qui crève d'absentéisme au moment du vote, mais plus généralement de manque d'engagement. Et je le dis, on a besoin de personnalités qui s'engagent, de scientifiques qui s'engagent aussi dans la vie publique et auprès des politiques. Mais cet engagement, il peut être fait dans des conférences, il peut être fait dans de la transmission, il peut être fait dans des associations, Il peut être dans des parties et on a besoin de tous ces ingrédients. Ça peut être une tentation aussi que de se dire les parties, de toute façon, on s'en fout, ils sont toujours mauvais, ils sont pleins d'histoires pourries, ils ne sont pas sexy, etc. Et puis, on va aller dans les associations qui ont le vent en poupe. On va aller aux conférences de tel ou tel influenceur, de l'excellente Camille Étienne, de l'excellente Greta Thunberg, d'écouter les émissions de l'excédent de l'excédente Camille Cronier, Camille Cronier, oui c'est ça, Camille Passauvert, et Mathieu Vidard, etc. Mais ça ne suffit pas, on a besoin aussi des partis, parce que les partis, ça veut dire des candidats, des candidats pour les élections, seul moyen d'avoir les budgets qui sont bien votés, d'avoir les politiques nationales et internationales qui sont là. Et donc on en a besoin aussi. Bien. Finalement, on n'a pas parlé beaucoup de Je ne voudrais pas beaucoup parler de notre thème, entre sciences et politiques, mais un jour où je reviendrai à Clermont, on continuera le podcast. Eh ben, ça me va très bien. Bon, où est-ce qu'on te suit ? Où est-ce qu'on suit ce que tu fais ? Où est-ce qu'on suit tes engagements ? Alors, c'est dire à dire... Depuis que j'ai pas encore réactivé ma page web, ça fait un an qu'elle est plus tenue, J'ai perdu, en même temps que j'ai perdu ma vaillante équipe de parlementaires, je me suis mis à effectuer ma communication tout seul. Mais évidemment, j'ai pas le temps de suivre mes... de mettre mes réseaux sociaux au niveau. De temps en temps, un petit tweet ou un retweet, ou je vais me remettre sur LinkedIn, qui est devenu un réseau incontournable. Mais je compte bien réactiver ma page web. Et sinon, il faut aller à la pêche aux informations sur les différentes sources. J'écris de temps en temps dans le mensuel In Corsica que j'évoquais. J'écris dans l'Obs à l'occasion. J'ai des conférences ici et là, des interventions dans les médias, des choses variées. Pour Pascal, j'ai publié dans la Revue des Deux Mondes, dans l'Obs, dans le Point. Je suis dans la nébuleuse, je suis dans le nuage et j'espère bien un jour... Tiens, je viens au colocabone de Soulégier des Nations Unies. J'ai annoncé officiellement la création de ma nouvelle association, cofondée avec un activiste indien et un activiste colombien qui s'appelle Green Spider. Association dont l'objectif est d'aider à tisser les liens entre les différents projets à travers le monde, mettre en relation les projets écolo, pour passer les barrières culturelles nationales, leur apporter des outils techniques, des conseils, tisser cette toile positive et aider à l'union de de la lutte dans un contexte où le danger est global. Les adversaires sont globalisés, souvent avec grands intérêts et des grands préjugés, mais où les bonnes volontés sont morcelées, fragmentées. Morcelées par la barrière entre les nations ou entre les cultures, ou morcelées par les différentes sphères, la barrière entre le scientifique et le politique, la barrière entre le citoyen et le politique, et donner des clés aux projets et aux institutions en coulisses pour aider à franchir ces barrières. Ça, c'est mon tout dernier projet. Donc, encore une fois, je ne sais pas si le terme s'emploie, mais une sorte de fédéralisation, une sorte de regroupement, une sorte de synthétise, de synthétisation de ces gens qui se parlaient peut-être pas forcément. Donc, c'est... L'idéal fédéraliste, c'est le grand thème. Et fédéraliste, c'est une idée d'union et de coordination, d'action concertée. Mais ce n'est pas une unification. Ce n'est pas une... Ce n'est pas non plus une homogénéisation. Le fédéralisme, c'est dire on a une gouvernance coordonnée, mais on est fier de notre diversité, on en tire partie et on s'appuie dessus. C'est comme une grande fédération, comme serait d'ailleurs, vous avez des fédérations d'entreprises qui avec toute leur diversité, parlent d'une voix commune à travers leurs représentants ou tel ou tel syndicat. Le le fédéralisme, c'est cette idée d'État ou d'acteurs très variés, unis derrière quelques objectifs communs et qui ont cette coordination forte pour avancer d'une même voie, tout en préservant leurs nuances. Ça me parle beaucoup. Est-ce que, juste pour terminer, est-ce que tu pourrais, en une phrase si possible, en tout cas d'une manière très concise, dire ce que t'aimerais, l'élément que t'aimerais qu'on tiennent après avoir écouté cet épisode de "Principe fondamentaux". Peut-être cette idée que l'action politique se nourrit des expertises, l'expertise scientifique ou l'expertise qu'on trouve dans une association ou l'expertise qu'il y aura chez un universitaire. Ces expertises doivent être au cœur du projet politique et il faut qu'il y ait des passeurs, des passerelles et des relations de confiance qui s'instaurent entre ces univers différents, mais qui ont vocation à œuvrer en commun pour un futur souhaitable.